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Le calvaire d'une jeune fille déportée de Soucht à Rawensbruck

 Pour avoir un témoignage vivant d’une déportée, nous avons rencontré Mme Marie-Justine  Fogel, née Jonas, originaire de Soucht, actuellement domiciliée à Bitche. Elle a été déportée à Rawensbruck avec sa sœur Anne et sa mère pour avoir caché ses frères qui ont déserté l’armée allemande. En tout, huit membres de sa famille ont  été déportés pour les mêmes causes: ne pas renier sa nationalité française, malgré l’occupation nazie de 1940 à 1945 de la Moselle. Les croquis clandestins que nous publions proviennent du livre “Rawensbruck, 150 000 femmes en enfer” de France Audoul, qui les a réalisés en cachette lors de sa déportation.

 “Ces témoignages sont une grande leçon du passé qui incitera tout un chacun à tout faire pour chasser le spectre de la guerre et attirer près d’eux l’Ange de la paix” Générale Paule Ely, déportée.






Germanisation et nazification

Les Alsaciens et les Mosellans, français à l’origine,  ont changé en un siècle plusieurs fois de nationalité malgré eux. Le 10  mai 1871, l’Alsace et la Moselle sont annexées à l’Allemagne. Leurs habitants  deviennent malgré eux allemands pour la première fois. Après le 11 novembre 1918, ils redeviennent français et de 1940 à 1945, ils sont à nouveau  allemands. Cette dernière période leur a été la plus difficile à vivre.
Certains seront transplantés, d’autres expulsés, d’autres déportés, d’autres enrôlés de force dans l’armée allemande.  Alors qu’avant 1918, les Allemands ont essayé de  les germaniser sans succès, de 1940 à 1945 ce fut la nazification à outrance pour tous les dialectophones et certains francophones non expulsés. Ces changements de nationalité non demandés, ni souhaités, ont fait beaucoup souffrir les Mosellans. 
Alors que l’armistice est signée le 22 juin 1940 en forêt de Compiègne, la Moselle et l’Alsace sont annexées le 15 juillet 1940. Du 11 au 21 novembre 1940, c’est l’expulsion des Mosellans francophones, suivie de la transplantation et de la spoliation des 10 000 habitants de 18 communes au nord de Bitche afin de réaliser le grand camp militaire. Le 23 avril 1941, il est décidé d’envoyer tous les jeunes Mosellans entre 17 et 25 ans au service obligatoire du travail (Arbeitsdienst)  et le 19 août 1942, le service militaire obligatoire dans l’armée allemande est institué pour les Mosellans, même ceux qui avaient été militaires français.
   Lors de la dernière annexion, beaucoup de Français sont déportés à cause de leur religion, leur race et des actes de résistance active ou passive. Les Alsaciens-Mosellans étaient logés à la même enseigne, mais ils sont de plus déportés en tant que passeurs, insoumis ou évadés. Beaucoup ne se soumettront pas aux lois allemandes, particulièrement les jeunes gens qui ne répondent à pas leur ordre de mobilisation ou qui déserteront l’armée allemande.  La Gestapo s’en prendra alors aux parents et  à ceux qui les ont aidés.  La plupart sont envoyés dans des camps de concentration où beaucoup meurent après avoir souffert de la barbarie nazie.
Le 8 mai, nous fêtons l'anniversaire de l’armistice de la deuxième guerre mondiale qui a plongé notre pays dans la tourmente et particulièrement les habitants d’Alsace et de  Moselle qui ont vécu cette période, tiraillés par leur patriotisme français et la nazification à outrance.
A la fin de la guerre, tous les responsables politiques disent: “Plus jamais cela” et pourtant à cause de quelques exaltés, la guerre, avec toutes ses exactions, continue sur notre planète  bleue.
Pour commémorer cet anniversaire, nous avons rencontré Mme  Marie-Justine Fogel, née Jonas, originaire de Soucht (Moselle) le 13 mai  2004.  Avec sa sœur Anne et sa mère, elle avait été déportée à Ravensbruck parce qu’elle a caché ses frères déserteurs de l’armée allemande.
La vie des verriers

Pour Marie-Justine Justine Jonas, épouse Fogel, les souvenirs  pour la période 1939-1945 sont encore vivaces, car elle l’a vécue comme les membres de sa famille dans la souffrance indescriptible des camps de concentration.
  Son père verrier à l’usine de Meisenthal,  réussit à faire vivre sa famille grâce à une petite exploitation agricole. Avant d’aller au travail à l’usine, il coupe l’herbe à la faux, et son épouse la fane au râteau  durant la journée. Après le travail, il rentre le foin. Les enfants doivent aider au travail des champs et de la maison. Tous les jours, ils sont tenus d’accomplir la corvée d’eau qu’ils vont chercher à une fontaine publique distante de 200 m. Chaque enfant a sa tâche quotidienne, soigner le bétail, chercher le bois, faire la lessive, accomplir les travaux dans les champs. Personne ne s’ennuie. Tout le monde vit son petit train de vie avec ses joies et ses souffrances. Comme tous les verriers sont logés à la même enseigne, personne ne se plaint,  
Grâce à cette vie rude menée dans ce pays de verriers que Marie-Justine ainsi que tous les membres de sa famille réussissent à supporter avec beaucoup de peine la barbarie nazie.


La déclaration de la guerre

La déclaration de la guerre du  3 septembre 1939  va troubler cette vie de famille où chacun est heureux de vivre, malgré les nombreuses tâches quotidiennes. Ses deux frères Georges et Louis, mobilisés dans l’Armée Française passent la drôle de guerre dans les ouvrages de la ligne Maginot. Faits prisonniers en juin 1940, ils sont libérés en juillet 1940 en tant que Mosellans. Par contre, les Mosellans évacués dans le Sud-Ouest le 1er septembre 1939, sont rapatriés  dans leur village d’origine à partir de septembre 1940. Ils retrouvent très souvent leurs habitations pillées par les soldats français stationnés dans la zone frontalière.

La nazification

Les habitants des dix-huit communes au Nord de Bitche sont expulsés et transplantés dans le Saulnois et au sud de Metz, d’où on a chassé les habitants francophones indésirables. Les dix-huit communes sont transformées en zone militaire, rattachée au camp de Bitche.
Contre leur gré, les Mosellans deviennent allemands, comme après la guerre de 1870. Tous les noms des villes et villages sont germanisés. La correspondance avec l’étranger n’est possible qu’avec une autorisation spéciale. Désormais, il est interdit de parler français et de porter le béret basque.
A la rentrée 1940, des enseignants allemands  donnent les cours en allemand dans les écoles et à tous les jeunes gens de moins de 22 ans.

La résistance passive
Dès 1941, les premiers actes antinazis sont perpétrés. Les jeunes gens chantent la Marseillaise, décrochent le portrait de Hitler, tirent les alarmes dans les trains, etc... La nazification s’intensifie au mois d’avril 1941 avec l’institution du travail obligatoire et en août 1942 avec l’incorporation de force dans l’armée allemande.
Pour Hitler, la population d’Alsace-Moselle, parlant le dialecte francique qui a les mêmes racines que l’allemand, fait partie naturellement du “grand peuple allemand”. Il oublie que cette population, bien que parlant le francique, la langue de Clovis et Charlemagne, est profondément française. En effet, l’Alsace et la Moselle font partie de la France depuis plus de deux siècles.
  Les habitants d’Alsace et de la Moselle ne comprennent pas que l’on puisse les faire changer de nationalité, contre leur gré, d’autant plus qu’en 1919, ils sont tous passés en mairie pour se faire inscrire sur le registre de réintégration dans la nationalité française.
L’embrigadement des jeunes gens dans les camps de travail et l’armée allemande est très mal vécu par tous. S’y opposer, condamne non seulement l’intéressé, mais aussi toute sa famille à subir l’emprisonnement, la torture, voire la déportation. 
Marie-Justine Jonas a vécu ce drame qui l’a marquée pour toute sa vie. Ses frères Georges et Louis sont incorporés en avril 1942 dans la RAD (Service du Travail Obligatoire) puis dans l’armée allemande. Tous les jeunes gens mosellans sont opposés à cette incorporation, car ils vivent mal ce changement, ils doivent se battre avec les Allemands contre les Alliés. Ce qu’on leur demande, c’est vraiment contre nature. Pour éviter les évasions, la majorité des Mosellans et des Alsaciens sont affectés dans les pays occupés du Nord et de l’Est (Norvège, Pologne, les Balkans et le front russe, etc...)
Tous les jeunes gens nés entre 1915 et 1927 sont mobilisables, même s’ils ont été soldats français comme Camille et Albert. Les garçons comme les filles passent au conseil de révision. Marie-Justine est malheureuse, car ses frères Georges, Louis, Albert et Camille et son beau-frère François sont incorporés de force, cela fait beaucoup pour une famille.
A la première permission de ces jeunes gens, la mère de Marie-Justine ne les laisse plus repartir, malgré toutes les menaces qui pèsent sur la famille. Beaucoup ne rejoignent plus leur unité et deviennent alors des réfractaires. Ils repartent en train, mais le quittent en cours de route. C’est à partir de ce moment qu’ils vont vivre comme des bêtes traquées durant toute la guerre, car la Gestapo les recherche constamment. François, le beau-frère est un des premiers réfractaires, il vit caché chez ses parents à Meisenthal dès le mois de juillet 1943, il rejoint la maison de sa femme Anne, sœur de Marie.  Ensuite, c’est le tour de Georges et d’Albert à déserter. Georges se cache à Montbronn, chez Léonie sa future épouse et Albert  à Soucht, chez son parrain  Nicolas. Lucien, le futur époux de Marie-Justine refuse d’endosser l’uniforme allemand. Il se cache d’abord dans la maison Jonas, puis chez ses parents à la Frohmuhl qu’il quittera par la suite, au nez de la Gestapo, pour rejoindre la Division Leclerc (2ème D.B.) pour toute la durée de la guerre. Camille sera le quatrième déserteur de l’armée allemande à se terrer dans la maison Jonas. Cela fait beaucoup.

La traque de la Gestapo

La Gestapo vient souvent fouiller la maison de la famille Jonas et se renseigner sur les déserteurs. Mme Jonas leur répond toujours: “ Nous aussi, nous sommes sans nouvelles de nos quatre fils, peut-être sont-ils   déjà morts en Russie?” Un voisin, Victor Stenger, se porte volontaire pour cacher Camille, alors que le curé n’accepte même pas qu’il passe une nuit au clocher. A la fin de sa permission, en tenue militaire, Camille prend le train à Soucht, mais à Wingen-sur-Moder, il se réfugie chez son oncle Georges, un frère de Mme Jonas. A la tombée de la nuit, son frère Joseph, âgé de 16 ans, le  conduit à la maison à travers la forêt. Peu de temps après, la Gestapo vient prendre des nouvelles de Camille: “ Imperturbable, Mme Jonas leur déclare: “Mon fils Camille est reparti à la fin de sa permission, et nous sommes sans nouvelles de lui.” Quelques jours plus tard, la Gestapo revient pour signaler à Mme Jonas que le train qu’avait pris Camille avait sauté sur une mine entre Belgrade et Vienne, et a été attaqué par les partisans. Grâce à cette “mauvaise nouvelle”, Camille n’était plus recherché. Mais pour les autres fils, la Gestapo vient presque tous les jours visiter notre maison.”

Arrêtés par la Gestapo

   "Au début de l’année 1944, près de cinquante déserteurs de l’armée allemande séjournent au village. Ils sont tous sur le qui vive, changent régulièrement de cachette et vivent dans la hantise d’être découverts.  Pas un seul n’est dénoncé, ceux qui sont arrêtés le sont soit au cours d’une rafle, soit  par hasard, car parfois, ils sont imprudents.
La Gestapo, n’obtenant aucun résultat, emploie les grands moyens d’autant plus qu’aucun habitant ne collabore. Le 17 mars 1944, toute une division de soldats cerne le village, de telle sorte que plus personne ne peut en sortir. Avertis par une tante de la situation, tous mes frères quittent la maison, sauf François qui refuse malgré l’insistance de ma mère.  Il se cache sous son lit, et c’est là que la Gestapo l’arrête et l’emmène à Speckbronn, un écart de Soucht. Elle l’interroge tout en lui faisant subir des sévices. Albert Meyer, un autre déserteur, caché derrière un tas de bois, assiste à la scène. La Gestapo, n’obtenant aucune réponse, l’emprisonne à Sarreguemines. Elle arrête le même jour mon oncle Léon Guehl, car elle trouve chez lui l’uniforme militaire allemand de François. Mon père est arrêté alors qu’il fourrage ses bêtes à l’étable, car la Gestapo a trouvé un porc dans le saloir et de la farine au grenier. Elle ne lui laisse même pas le temps de se changer. Elle l’emmène en sabots et en habits de travail. Il rejoint son fils dans la prison de Sarreguemines. Il est ensuite transféré à Deux-Ponts, puis à Metz-Queuleu où il est libéré en  septembre 1944. Il revient à Soucht dans une maison vide où il essaie de survivre tout seul, alors que toute sa famille  est déportée ou vit cachée. Albert ne le rejoindra qu’après la libération”. 
Le 18 mars 1944, la Gestapo revient et arrête ma mère et ma sœur Anne, épouse de François.” Marie-Justine, âgée de 18 ans  s’occupe alors de ses frères et ses neveux Claude, 7 ans et Jean-Louis, 3 ans, les enfants d’Anne.
 “Mon frère Joseph, âgé de 16 ans et moi sommes restés à la maison pour nous occuper des trois frères cachés et de nos deux petits neveux. Comme la Gestapo n’a trouvé que mon beau-frère,  elle vient tous les jours visiter la maison.”
Après la rafle du 17 mars, Georges se cache à Montbronn jusqu’à la libération. Albert et Camille errent et séjournent dans la forêt ou dans un hangar. “Avec ces arrestations, mes frères se sont sentis responsables de l’emprisonnement de leurs mère et sœur. Un jour, Aline, une amie, me propose de cacher mes frères dans leur fenil à l’insu de ses parents. Par contre, c’est moi qui leur apporte les provisions dans la forêt, dont la lisière touche le village. Mes frères errent très souvent dans la forêt, et ne savent plus où se cacher, car tout le monde a peur de se faire arrêter. Las de cette vie errante, ils décident de rentrer à la maison malgré le danger.”
Le 5 avril 1944, la tante Anne et ses deux filles  Marie et Berthe sont arrêtées à cause des deux fils Georges et Victor, également déserteurs. Au mois d’avril, une cache est aménagée  sous le plancher d’une chambre à coucher dans la maison Jonas. 
Le 22 avril, la Gestapo arrive au moment où mon frère Camille regarde par la porte. Il se sauve par le jardin, elle le poursuit et tire. Une balle le blesse au ventre, ce qui l’oblige à se rendre. Décidément, nous n’avons pas de chance.”
 Après un séjour de douze jours à l’hôpital militaire installé au collège de Bitche, Camille est incarcéré à la prison de Sarreguemines, d’où il est transféré le 22 août 1944 à Deux-Ponts, puis à Metz-Queuleu.  Camille est condamné à douze ans de travaux forcés et François à quinze. Ils sont aussitôt  envoyés dans un camp de concentration, et ne sont libérés que le 8 mai 1945.

Déportées au camp de concentration et d’extermination de Rawensbruck

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Après l’arrestation de Camille, la Gestapo revient à la maison pour arrêter Marie-Justine 18 ans et son frère Joseph 16 ans. Désormais, il n’y a plus personne à la maison. Après leur arrestation, tous les biens sont  confisqués par les nazis. A son tour Marie-Justine et Joseph sont   écroués à la prison de Sarreguemines. Je suis enfermée dans la cellule n°5, la plus mauvaise de la prison. “J’ai un lit formé d’un bloc de béton avec une paillasse sale infectée de puces, une toute petite table, un tabouret et une cuvette de W-C.” Ma mère et ma sœur Anne, sont au premier étage. En passant devant ma cellule ma mère  m’appelle: “Justine, comment, ça va?C’est toute notre communication qui est découverte par la surveillante. On ferme alors le volet  du soupirail.
Au mois de juin, la mère et les deux filles sont embarquées par un fourgon cellulaire dans le noir complet. Le premier transit est la Brême d’Or, près de Sarrebruck, d’où elles partent par train, enfermées dans un wagon à bestiaux.
A Francfort, elles sont accueillies par des SS. armés et tenant des chiens en laisse. Après trois jours d’arrêt, elles reprennent le train pour Halle, près de Leipzig. Tout le monde souffre de la soif, de la faim, des poux, des odeurs nauséabondes des tinettes  et de la promiscuité.  
Enfin nous descendons du train. Nous sommes arrivées à Rawensbruck, situé au nord de Berlin. Nous passons tout d’abord aux douches, puis le lendemain, les nouvelles déportées découvrent des colonnes de femmes squelettiques partant au travail: une véritable vision de cauchemar. Toutes les femmes sont dépouillées de leurs bijoux contre une quittance. Puis  nous devons nous déshabiller pour passer dans la salle d’épouillage où on nous rase les têtes. Grâce à l’intervention d’une déportée de Sarreguemines, chargée de l’accueil des nouvelles, ma mère, ma sœur et moi pouvons garder les cheveux. Après la douche, on nous remet des vêtements ne correspondant nullement à nos tailles, puis on attribue à chacune un numéro matricule.   44 238 sera le mien. Puis nous sommes mises   en quarantaine au bloc 24. Trente deux baraquements abritent les déportées.”

Une vie inhumaine

Marie-Justine Jonas, à travers la fenêtre découvre la vie du camp: “Dans les allées du camp, nous voyons des êtres qui n’ont rien d’humain. Où sommes-nous donc? Ces êtres irréels sont pourtant des humains, ce sont des femmes, nous ne pouvons en croire nos yeux. Elles courent dans tous les sens, sans but apparent, comme dans un cauchemar. La consternation et l’angoisse nous serrent les cœurs.” Dans le bloc 24, prévu pour 500 personnes, on entasse plus de 700 déportées, traitées comme du vulgaire bétail.  Comment la barbarie humaine peut-elle atteindre un tel degré? 
Par jour, nous avons droit à 75 cl de soupe, la plupart du temps du rutabaga, et deux fois par semaine, nous recevons un petit cube de marguerine et une cuillerée de confiture “ersatz”. Très vite les poux envahissent  les corps. Pour nous en débarrasser, nous nous épouillons mutuellement. 



On essaie constamment à nous rabaisser. Ainsi pour l’examen dentaire, qui consiste à ouvrir  et fermer la bouche en cinq secondes, il faut se présenter nues. Quelle humiliation!
Marie-Justine Jonas travaille d’août à octobre 1944 dans une ferme, puis elle est affectée à la cuisine. Avec cette nouvelle affectation, elle doit quitter le block où logent sa mère et sa sœur.

Les appels interminables

L’appel, c’est la hantise, le monstre qui terrorise les bien-portantes, horrifie les faibles et les dysentériques. L’appel est par excellence la manifestation de la discipline du camp. Il mobilise le maximum de surveillants, de SS., de policiers et de chiens. Parfois, ils durent une journée entière. Pas un mot, pas un chuchotement, un silence de mort doit régner dans nos rangs,  mais la fatigue, le froid, le vent, la pluie, le soleil, la faim et la révolte nous incitent à prendre des risques. Dès que les surveillants s’éloignent, nous nous serrons les unes contre les autres, nous tapons des pieds, nous nous frictionnons. Quand une femme tombe, nous ne pouvons la secourir, elle reste à terre, jusqu’à la fin de l’appel. Nous ne pensons qu’au hurlement de la sirène qui annonce la fin de l’appel. 
 Malgré cette vie atroce, la commisération est souvent plus forte que l’égoïsme. Cette faim qui fait risquer tout, scelle bien des amitiés. Combien de fois avons-nous souffert de la soif en été sans pouvoir nous désaltérer? L’hiver nous   suçons de la neige. Au camp, les femmes ne sont plus des femmes. Ce ne sont plus que des êtres vivants, essayant de survivre malgré les humiliations, les sévices et les privations. Nous nous réfugions souvent dans la prière. Une femme confectionne des chapelets avec de la mie de pain. Elle m’en donne un contre de la nourriture” Tout s’acquiert par troc.  

Rabaisser la dignité des femmes

En février 1945, on retire l’unique couverture aux détenues, et toutes  se voient obligées de dormir tout habillées et à trois sur un châlit. “Les dortoirs de Rawensbruck, la nuit,  donnent une vision de misère, de souffrance et d’horreur. Quand nous nous rendons aux toilettes, nous voyons ces lamentables squelettes,  demi-nues se soutenant mutuellement. Il ne reste que l’espoir, un désir ardent et tenace de rentrer en France, à SOUCHT, retrouver notre maison, coûte que coûte, de voir la fin de cette épreuve, sans cesse renouvelée. L’important, c’est de ne jamais désespérer.
Rawensbruck, avec ses nombreuses femmes employées, dans les usines Siemens et d’armement, assurent gratuitement  de gros bénéfices, et pourtant, elles sont constamment maltraitées, elles ne comptent pas plus que les fourmis, que le promeneur écrase avec son pied. Est-ce possible?  Les animaux d’une même espèce ne font pas ce que les gardiens du camp font avec nous. Il n’y a aucune commisération.  La barbarie humaine nazie dépasse la férocité des animaux qui ne tuent que pour se nourrir, car ils remplissent le rôle du prédateur. “

Le front approche et l’extermination s’amplifie

Le 12 avril 1944, les bombardements touchent la centrale électrique, il n’y a plus de courant dans les blocks pendant plusieurs jours, si bien que tout le monde se lève et s’habille dans le noir absolu.
A partir de cette date, la nourriture se raréfie, et les femmes s’affaiblissent. Les déportées usées sont “liquidées”. Celles souffrant de la dysenterie sont d’une maigreur squelettique, elles sont entassées dans le block 8.  L’oedème frappera surtout les femmes dépassant la cinquantaine. On laisse mourir la malade sans aucun traitement. Par manque de place, elles sont déposées sans couverture dans la salle d’eau où elles agonisent parmi les autres cadavres, parfois durant de longues heures.
La tuberculose affecte surtout les jeunes filles entre 17 et 20 ans. Elles sont simplement liquidées avec une fameuse poudre blanche distribuée par l’infirmière “Schwester Véra” qui les endort définitivement. 

La hantise de l’extermination

Marie-Justine Jonas nous décrit la fameuse tente maudite, où l’on entasse les tziganes, les juives et leurs enfants, les Russes et les Polonaises évacuées en marche forcée devant l’armée russe. "Par le terrible froid de l’hiver, on ne leur laisse qu’une petite robe. elles meurent très rapidement de froid, de dysenterie ou du typhus. Les survivantes sont expédiées au “transport noir”. Le 12 mars 1945, la tente est démontée, et l’équipe des peintres rénove les blocks vides, car le directeur veut prouver la bonne organisation et la bonne tenue du camp."
A partir de ce moment, tout le monde  vit dans l’angoisse et commence à avoir peur d’être définitivement exterminée. Les nazis veulent supprimer toutes les traces des horreurs commises. Le block des enfants et des adolescents est également vidé. Ils subissent le triste sort de nombreuses déportées.
“J’ai été  dans ce camp le témoin de tant d’horreurs qu’on ne peut pas raconter à n’importe qui, tout le monde ne comprendrait pas.”
En février 1945, la sœur et la mère de Marie-Justine sont sélectionnées pour le “Jugendlager” (camp d’extermination). Les nazis apposent un “U” sur la carte rose des malades, des invalides et des personnes âgées. Cela signifie: destination “Jugendlager Ubermack”. Arrivées au camp, on leur retire les lainages  et on ne leur remet qu’une robe de coton. Dans cette tenue, elles doivent rester debout toute la journée en rangs par un froid rigoureux. Dans ce camp de 5 000 personnes, il en meurt tous les jours 300. Sans chauffage et livrées à la faim, les déportées couchent à même le sol sans couverture sur d’infectes paillasses. Il n’y a pas de lavabos, ni toilettes dans le block. Il faut sortir dehors pour aller aux W-C qui n’étaient qu’une grande fosse, bordée d’une planche faisant office de siège. Chaque soir, Schwester Véra distribuait de la poudre blanche à certaines femmes, le lendemain à midi, elles étaient mortes.”

La mère sauvée par ses filles

Pendant plus d’un mois la mère et sa fille réussissent à survivre dans cette atmosphère criminelle.  Grâce à l’approche des Russes en mars 1945, les survivantes, dont la mère et la sœur de Marie-Justine reviennent à Rawensbruck au block 29 où tous les jours les déportées sont triées. Les unes vont creuser des tranchées, les autres sont destinées aux  “commandos noirs”. Il faut un moral de fer pour tenir le coup. Après le 15 mars, les déportées du Block 29 ne travaillent plus qu’à l’intérieur du camp. 




La sélection

A partir de cette date, les détenues sont de plus en plus nombreuses à être sélectionnées pour le fameux transport noir. Les dernières semaines  dans le camp se passent dans une atmosphère de désorganisation totale. La maman de Marie-Justine est souvent sélectionnée, mais ses filles réussissent toujours à la sortir du groupe de déportées destinées au transport noir.
Le 30 mars 1945, un vendredi soir, toutes les détenues sont obligées de sortir. Malgré deux sélections, Marie-Justine et sa sœur réussissent à sauver leur mère destinée au transport noir. Au dernier tri, le soldat en voyant la mère dit: “Pas  de femmes âgées, ni de cheveux gris. ”Marie-Justine et sa sœur veulent sauver leur mère à tout prix et disent: “Mais c’est notre mère”. Alors le soldat se retourne, comme s’il n’avait rien vu. Les valides sont enfermées dans le block 32 et les autres dans le block 29. Après avoir passé aux douches, les détenues du bloc 32 reçoivent d’autres vêtements et un manteau. Puis, après avoir attendu dehors durant de nombreuses heures, elles montent dans des camions. Chacune reçoit un demi-pain, un morceau de saucisse, mais pas d’eau. Le transport, malgré la neige qui tombe, se fait dans un camion découvert. A la gare, un train composé de wagons à bestiaux, les attend. 82 déportées occuperont un wagon avec deux SS. qui se reposent sur une botte de paille. Les SS. ne tolèrent aucun bruit. Après une journée et une nuit, les deux SS. quittent le wagon, et le voyage dure encore trois nuits et deux jours.
Arrivées le 5 avril à Salwedel, les déportées rejoignent un camp. Comme les usines ont été détruites, elles n’ont plus besoin de travailler. Le commandant du camp semble moins méchant. Tout le monde a soif, mais les robinets ne coulent pas.

La libération
Le 11 avril 1944, c’est le jour de la libération du camp par les Américains, les S.S. du camp se rendent. Enfin c’est la libération des déportées des griffes de ces tortionnaires barbares qui se sont comportés pire que des animaux. 
Grâce à des prisonniers français, nous recevons à manger. Jeanne, originaire de Sarrebourg, les reconnaît, ce sont deux frères Dreyfus habitant la même ville qu’elle. “Nous chantons la Marseillaise à notre libération. Tout le monde pense maintenant à sa propre famille, dont personne n’a de nouvelles depuis la détention. Encore maintenant, quand j’entends la Marseillaise, je pense aussitôt à ma libération.”
Avec l’aide des prisonniers de guerre français, les déportées vont en ville pour s’habiller dans les magasins abandonnés. Nous nous habillons de pied en cap. Les vivres commencent cruellement à manquer  après cette libération. Pour trouver de la nourriture,  ma sœur,  ma mère et leurs amies vont mendier dans les fermes. A partir de ce moment, elles font elles-mêmes la cuisine jusqu’au jour où les Américains ravitaillent la cuisine  du camp." Après huit jours dans ce camp, les Américains  leur demandent de déménager dans une caserne de l’armée de l’air. Là, Marie-Justine, sa mère, sa sœur et une amie occupent une chambre. Quel changement. En jouissant de la liberté, pour Marie-justine “c’est une des plus belles périodes de ma vie. Nous n’avions rien, et malgré tout nous étions heureuses." Après un séjour de plusieurs jours dans cette caserne, c’est enfin le retour en France. "C’est dans les gares que chacun essaie de chercher des provisions, car les Américains avaient oublié de ravitailler le train. Il met plusieurs jours pour rejoindre la France.” Le train s’arrête très souvent, fait marche arrière en raison des voies endommagées.
Nous traversons la Hollande, la Belgique où des infirmières de la Croix Rouge nous attendent avec des paniers remplis de pain blanc. Chacune reçoit un morceau.” A l’arrêt dans le première gare française, "personne n’est là pour nous accueillir, que c’est décevant  pour ces femmes qui ont vécu l’inénarrable pour leur patrie, la France.”
“Enfin à Charleville-Mézières, on nous dirige vers un centre d’accueil . Après les douches, nous recevons à manger et  un lit est attribué à chacune. Nous y dormons avec nos vêtements.”
 Après la visite médicale, chacune reçoit une carte de rapatriée. 'C’est ici que nous sommes agressées par trois déportées françaises, ignorant l’histoire de l’Alsace-Moselle: “Tiens, vous voilà françaises maintenant.” "Comment peut-on dire une parole pareille à des  personnes déportées, à cause de leur patriotisme et leur attachement à la France.

Le retour à Soucht

Après un séjour de deux jours, elles sont dirigées vers Reims, Nancy, Saverne. Dans cette dernière ville, elles sont envoyées dans un centre d’accueil où elles rencontrent M. Maas, directeur de la verrerie de Meisenthal. Sans hésiter, il les invite à monter dans sa voiture.
Nos trois déportées libérées ont l’impression de débarquer dans un autre monde. “Arrivées dans notre village, un groupe d’amis nous attendent devant le “Café  Grostephan”. Beaucoup d’autres les rejoignent ensuite. Tout le monde nous toise, nous les rescapées du camp de Rawensbruck. Notre allure squelettique les interpelle. "Ils nous posent des questions. Mais quoi répondre? ou quoi dire?  Les gens ne savent  pas de quel enfer nous sortons. Nous nous sentons presque étrangères et déracinées ici dans notre village natal. Nous n’avons plus aucune notion de la vie civile et familiale. Seuls mes frères Albert et Joseph nous attendent à la maison. "Albert avait continué à vivre dans la forêt après notre incarcération. Mon père, incarcéré à Metz-Queuleu a été libéré par les Américains. Mon oncle  Léon Guehl, mon beau-frère François Philipp et mon frère Camille sont rentrés du camp de concentration en juin 1945. Ma tante Anne, et ses deux filles Berthe et Marie étaient incarcérées à la prison de Sarreguemines, car ses deux fils Georges et Victor avaient déserté.
Tout le monde est revenu. Dans notre famille, nous étions huit personnes déportées dans différents camps de concentration en Allemagne. Je considère encore aujourd’hui comme miraculeux le fait que nous soyons tous rentrés sains et saufs de l’enfer nazi.

Témoignage poignant

Marie-Justine Jonas, épouse Fogel a témoigné dans un livre qu’elle a écrit en 1989: Ravensbruck-Matricule 44238.
J’ai écrit ces pages quarante ans après la libération pour décrire la vie inhumaine de ces déportées dans les camps de concentration nazis. Je me sens soulagée maintenant de l’avoir pu faire. Quarante ans après, je continue d’avoir l’impression de faire un mauvais rêve. Nous les rescapées, ayant eu la chance de rentrer, nous avons résisté jusqu’au bout avec courage et dignité grâce à la solidarité et l’amitié qui régnèrent  entre nous, sœurs de misère. Je pense particulièrement à ma mère. Instinctivement, nous nous cramponnions à la vie.” Les camps de concentration resteront à tout jamais le symbole de la barbarie et de la cruauté les plus monstrueuses de l’histoire de l’humanité, inimaginables et pourtant véridiques. "Je n’ai pas pu décrire certaines humiliations que nous avons dû subir, tellement, c’est horrible."nous rapporte-t-elle.
PARDONNE, MAIS N’OUBLIE PAS.”
"Cette période de ma vie restera à jamais gravée au fond de ma mémoire.” conclut-elle.
L’Etat a récompensé Marie-Justine Jonas pour son courage: elle a été élevée au grade de chevalier de la Légion d’honneur, elle est titulaire de la Médaille  militaire, la Croix de guerre avec palme, la Croix du combattant volontaire de la Résistance, la Croix du combattant et de la Médaille des déportés.

La réconciliation

Robert Schuman, Mosellan, et Jean Monnet, pour éviter un nouvel affrontement entre les pays d’Europe lancent le 9 mai 1950, lors d’une conférence de presse, l’idée de coopération entre pays européens et la réconciliation entre la France et l’Allemagne.
Le 20 juin 1950, la France provoque une conférence intergouvernementale qui associe la France, l’Allemagne, les trois pays du Bénélux et l’Italie.
  Robert Schuman imagine l’union des pays de l’Europe, non par la force, comme cela se faisait auparavant, mais par négociation.
Son objectif final était de faire des propositions aux peuples européens visant à former une communauté européenne qui pourra éventuellement se transformer en patrie européenne.
Avec la monnaie unique et une constitution, le concept schmumanien se réalise petit à petit et évitera à l’avenir les affrontements  entre pays européens.
L’adhésion de dix nouveaux pays   le premier mai 2004 génère une nouvelle Europe..
La déclaration historique du 9 mai 1950 est un acte fondateur de la Communauté européenne et de la réconciliation franco-allemande. Elle symbolise la volonté de dépasser les conflits, de promouvoir la paix et d’encourager la solidarité et la compréhension mutuelle entre les peuples.
Joseph Antoine Sprunck
Le 13 mai 2004

Mme Justine Fogel, née Jonas, est décédée à l’Ehpad Les Sources de Montbronn le samedi 22 juillet 2017, à l’âge de 91 ans. Veuve de Lucien, elle était maman de cinq enfants : Gilbert, Claude, Liliane, François et Michèle. Elle avait la joie d’être entourée de onze petits-enfants et neuf arrière-petits-enfants.
Déportée à Ravensbrück en avril 1944 avec toute sa famille de Soucht, elle était titulaire de la Légion d’Honneur, de la Médaille Militaire, de la Croix de Guerre avec Palme et de la Croix du Combattant.

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