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Les Américains emprisonnent les jeunes "malgré-nous" réfractaires



Quand les Américains ont libéré la Moselle, certains    jeunes gens évadés de l’Armée allemande  doivent se présenter à eux. Joseph François Gross de Rohrbach-lès-Bitche en faisait partie. Il nous relate   leur   humiliation dans le livre «Les Fléchards, Malgré-Nous et évadés» grâce à de nombreux témoignages. 

Beaucoup de Malgré-Nous mosellans, de retour du Front russe  se  sont cachés lors d’une permission.  Ils ont eu la mauvaise surprise de devenir prisonniers des Américains entre le 1er et le 17 décembre 1944. Ils sortent du camp de la Flèche le 15 mai et ne seront libérés que le 25 mai 1945.

Prisoner of War

 «Le gradé américain leur disait: Si vous avez accepté d’être incorporé, vous n’aviez  pas le droit de déserter!»   Il était inutile de lui expliquer ce qui serait arrivé à nos parents, si nous n’avions pas rejoint la caserne allemande. Pour  un Américain: un soldat ne déserte pas. L’ordre donné aux G.I. était: «Prisoner of War»(Prisonnier de guerre), car les Américains ne veulent pas s’embarrasser de scrupules."
Par contre, dans certains villages des personnalités ont réussi à convaincre les Américains pour les laisser libres. Le curé de Bining, Nicolas Schneider ou le maire Antoine Maas à Meisenthal ont épargné cette humiliation aux jeunes de leur village.
Si l’Alsacien-Mosellan, citoyen français, ne se présentait pas à la caserne allemande, les parents étaient considérés comme responsables  d’après la loi allemande  de la «Sippenhaft» et étaient déportés. C’est la vraie raison de leur incorporation.  

Le sort réservé aux évadés 

Alors que la Moselle presque totalement libérée pavoisait de toute part, les évadés furent embarqués avec des prisonniers allemands. Ce qui leur valut de recevoir, dans les camions, des menaces de mort de la part des vert-de-gris, puis des cailloux tricolores dans les rues de Nancy. Après une nuit de train, 225 arrivèrent au camp de Thorée-les-Pins,

 




Le camp de la Flèche à Thorée les Pins

 à la Flèche, dans la Sarthe, où ils restèrent cinq mois. Ils ont été logés sous une tente, où le premier mois, ils n'ont eu que de la paille pour dormir sur le sol. D’où le nom de “Fléchards” qu’ils se sont donnés depuis. André Schutz, ancien conseiller pédagogique, originaire de Strasbourg s’est livré aux Américains  en Thuringe. Il a subi le même sort par l’envoi dans le camp de Marseille où il a subi les mêmes humiliations avec 850 autres Alsaciens-Lorrains. Il nous a rapporté  " Pour nous punir, le capitaine prisonnier allemand donnait une noix au puni qui devait la faire avancer avec le nez sur toute la longueur du stade"

La déception des réfractaires

Eugène Heiser, instituteur durant la guerre à Guiderkirch a écrit dans son livre « La tragédie lorraine » :
«Au lieu d’être accueillis à bras ouverts par les Américains, les réfractaires furent traînés de geôle  en geôle, de camp en camp,   à travers des foules hostiles...» Robert Schoeser de Neunkirch raconte dans le livre « Les Fléchards » :   "On nous emmena en captivité  au camp de la Flèche, à Thorée-les-Pins, en Sarthe. Nous devions y rester cinq mois, mêlés aux Allemands, commandés et menés par eux. Nous y avions souffert. Un de mes camarades  de Frauenberg, Raymond Starck est même mort par suite des privations endurées.» On leur demande de témoigner: « Nicolas, toi, tu as tout vécu, les Charentes en 39, la guerre en 40, la Russie en 43 et les “Fléchards”en 45... Il faut que tu racontes la vérité, puisque personne n’a envie de le faire. Ou alors, s’ils le font, ils gardent ça dans leurs  tiroirs. Il faut que tu leur dises une bonne fois pour toutes" “ Voilà le genre de boche que j’étais !”  

D’après, l’Office national des anciens combattants, ont été incorporés de force:
En Moselle: 21 000
En Alsace: 61 834

Ont été réfractaires: 
En Moselle: 6273
En Alsace: 14 225



Joseph Antoine Sprunck

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