D’après les écrits, Loutzviller a appartenu à
l’abbaye de Hornbach dès le 8 ème siècle. En 1115 la paroisse a été sous le patronage de l’abbaye Sainte Croix de Bouzonville. En 1297, elle a
probablement fait partie du comté de Zweibrücken (Deux-Ponts) C’était une grande paroisse dédiée à la Sainte Trinité dont dépendaient Breidenbach, Olsberg, Rolbing, Opperding, Ohrenthal, Eschviller et Schweyen. Breidenbach avec Olsberg deviendra une paroisse en 1804, Rolbing avec Ohrenthal et Opperding en 1866 et Schweyen en 1899. Eschviller est rattaché à Volmunster en 1804.
Paroisse protestante durant 30 ans
En 1570, la réforme protestante y a été introduite par Marguerite d’Haraucourt, veuve de Jean de Schwartzenberg, propriétaire du fief. Un pasteur protestant est venu prêcher et officier à Loutzviller et à Schweyen, mais il a été interdit à partir de 1599 par le duc Charles de Lorraine suivant la même maxime Cuius regis, cuius religio (De tel pays, de telle religion) Ce sera l’abbé Henri Viendianensis qui sera le nouveau curé. Lors de la visite canonique le 19 octobre 1603, l’église est dédiée aux Saints Pierre et Paul. Lors de la guerre de Trente ans, la guerre des Suédois et diverses invasions les villages de la région ont été brûlés et saccagés. Lors de ces guerres certains villages ont disparu. Ce ne sera pas le cas de Loutzviller. En 1661, la localité compte à nouveau 6 habitants et en 1703, 95. Il semblerait qu’après cette période trouble de 1618 à 1681, il n’y avait plus de prêtre qui desservait les paroisses.
Le beau baldaquin baroque
L’église est reconstruite en 1737 et dédiée à la Sainte Trinité.
Son sauvetage
Après la déclaration de la guerre et le départ des habitants en Charente le 1 er septembre 1939, le
L'abbé Jean Drexler, curé de Soucht
curé de Soucht l’abbé Jean Drexler, originaire de Loutzviller, a eu l’idée de sauver le magnifique baldaquin avant l’affrontement des armées françaises et allemandes. Il a une hauteur de 15 m avec son dais et la croix. Pour le démonter de la paille a été disposée sur une hauteur de 3 m autour de l’autel. Une corde fixée en haut du baldaquin a été tirée par un cheval pour le renverser sur la paille. Le baldaquin, bien assemblé avec des chevilles en bois, a bien résisté au choc. Une fois démonté, l’ensemble du baldaquin et l’autel a été transporté en pièces détachées à Soucht et entreposé dans cinq granges différentes. C’est le 14 août 1946 que l’ensemble a été récupéré à Soucht et entreposé dans différents endroits à l’initiative du curé Jean-Pierre Neu. Le transfert a coûté 8 000 F. Après la reconstruction de l’église de la Sainte Trinité, l’autel et le baldaquin ont été remontés. L’architecte avait donné de mauvaises mesures pour la hauteur du plafond. Il manquait 80 cm pour le dais et la croix. C’est pourquoi il a fallu couper un morceau la croix et aux différentes colonnes.
Lors du remontage, tout le monde constata que les différentes pièces n’avaient pas bougé et se rassemblaient correctement. L’église est reconstruite en 1737 et dédiée à la Sainte Trinité
Les invasions 1814-1815
Le Bitcherland est envahi en 1814 par les troupes russes. Quand ils ont bivouaqué à Loutzviller, les militaires ont logé chez les habitants, dont certains sont tombés malades. Certains en sont morts comme Jean-Pierre Sprunck, le maire de Loutzviller. Il est mort à l’âge de 37 ans le 22 mars 1814. Il est le père du futur maire Jean-Pierre Sprunck. Après le traité de Paris du
30 mai 1814, la Schwalb faisait à nouveau la frontière.
Le village sous domination allemande
L’annexion des trois départements en 1871 par l’Allemagne n’avait pas été appréciée par les habitants. Particulièrement les jeunes gens ne voulaient pas faire le service militaire chez les Prussiens. On avait le choix de partir en France, en Algérie, voire l’Amérique. Ce sont surtout des jeunes gens ou des jeunes couples qui quitteront le village pour rejoindre l’Amérique. Leur voyage était facilité grâce des agents implantés à Bitche ou de Sarreguemines. Leur motif déclaré est la guerre perpétuelle entre l’Allemagne et la France pour la possession de l’Alsace et la Lorraine. Ce qui les incitait aussi à partir c’est le manque de terres ou de travail. Puis vers 1880, les mines de houille de la Sarre et de la Moselle, les mines de fer de la famille de Wendel, les aciéries de Thionville réclament des bras vigoureux. Ainsi les uns restent au village pour cultiver la terre, et les autres vont là où il y a du travail. Après 1901, certains vont travailler au camp de Bitche, créé par les Allemands, d’autres y sont allés pour vendre leurs produits agricoles. Pendant, cette période, la frontière allemande était ouverte. Les relations amicales entre les habitants des villages frontaliers étaient correctes et le resteront malgré les deux guerres mondiales. En juin 1940, la Moselle et l’Alsace seront à nouveau annexées de fait jusqu’en 1945, et pendant cette période les villages au Nord de Bitche ne sont pas habités.
L’évacuation en 1939
La plus grande épreuve que les habitants de Loutzviller et d’autres villages du Bitcherland situés dans la zone rouge le long de la frontière vont vivre sera la deuxième guerre mondiale. Chaque famille va vivre des épreuves inoubliables et différentes.
Le 1er septembre 1939 tout le monde devait être prêt pour 15 h avec un chariot, attelé de chevaux ou de vaches. Il fallait emmener le strict nécessaire en ne dépassant pas 30 kg par personne. Chaque chef de famille a emmené ses papiers, le livret de famille, les actes notariés et les rares photos. Ils avaient le droit d’emmener des matelas et des couvertures et un couvert personnel. Les lapins, les poules, les porcs, les chiens et le chats sont laissés en liberté.
Départ en train
Ils ont passé une première nuit à Lemberg, la deuxième à Eschbourg, la troisième à Mittelbronn, puis ils ont attendu durant 14 jours à Waltenbourg (Moselle) où ils ont été logés dans les granges et à l’école. C’est dans ce village que les habitants ont entendu les premiers coups de canon. Tout espoir de retour à Loutzviller s’est estompé. Ensuite, ils ont été dirigés vers Lutzelbourg où ils ont pris le train
A Saint-Sévère
Les premiers jours, les habitants leur servaient les repas. Ils les ont aidés à s’installer. La Croix rouge leur a offert des couvertures. Quand, il n’y avait pas assez de lits, beaucoup ont dû coucher sur des sacs remplis de pailles de maïs. Pour faire la cuisine des poêles charentais ont été installés, car les Lorrains ne savaient pas cuisiner dans un chaudron. Les hommes ont été embauchés par les agriculteurs qui leur ont donné des victuailles ou un salaire. Très vite les réfugiés ont eu des indemnités, 10 F pour un adulte et 5 F pour un enfant par jour. Les écoliers de Loutzviller avaient leur propre classe. Les gens de Loutzviller se sont vite adaptés à cette vie de réfugiés, tout se passa sans heurt et en bonne entente avec les Charentais qui ont appris à connaître ces Mosellans, dont beaucoup ne savaient pas parler le français, sauf ceux qui étaient nés après 1914 et qui ont fréquenté l’école élémentaire française. Ce sont donc les jeunes qui faisait office d’interprète. Très peu savaient que la Moselle et l’Alsace avaient été annexées à l’Allemagne de 1871 à 1918.
Loutzviller en 1941-1942 à l'abandon
Fin juin 1940, les Allemands sont arrivés à Saint-Sévère, et ils ont demandé en septembre 1940 aux Mosellans de rentrer en Moselle. La grande majorité a décidé de retourner dans leur cher Bitcherland. Tous sont regroupés à Cognac pour prendre le train jusqu’à Saint-Dizier, où ils ont tous été contrôlés par les Allemands qui ont vérifié dans leurs registres. Arrivés à Réchicourt-le-Château, quelle déception pour eux, ils n’ont pas le droit de retourner à Loutzviller, car leur commune ainsi que 17 autres du Bitcherland ont été inclus dans le camp militaire de Bitche. Ils ont été répartis dans différents villages du Saulnois et du Pays messin: Lettenbach, Richeval, Abreschviller, Gravelotte, Grigy, Rezonville, Vionville, Norroy-le-Veneur, Flavigny, Gondrexange et Réchicourt-le-Château. Ils sont chargés de remplacer les paysans francophones indésirables expulsés dans différentes régions de France.Tous les chefs de famille sont devenus des Siedler (colons) et l’épouse ainsi que les enfants de plus de 13 ans sont devenus des employés au service de l’Etat allemand. Ils ont tous touché un salaire et la récolte a appartenu à l’Etat. Les jeunes gens ont tous étaient incorporés de force dès 18 ans. C’est ainsi que quatre d’entre eux ont perdu leur vie. Chaque Siedler a été aidé par des jeunes déportés polonais, hongrois ou roumains.
Retour au village
Comme le village était abandonné durant toute la guerre, des habitants de la région avaient le droit d’y aller chercher du foin, certains en profitaient pour emmener des objets ou des meubles qu’ils cachaient dans le foin.
Certains Loutzvillérois ont réussi à visiter le village en 1942, et ils ont constaté des disparitions et le pillage. Le village a surtout subi des dégâts lors des combats 1944-1945. Il a seulement été libéré le 16 mars 1945. 28 maisons ont été entièrement détruites et 24 étaient seulement endommagées.Tous les bâtiments publics ont été détruits.
L’église paroissiale
Au courant de l’été 1945, les habitants reviennent. Le 28 août 1945, Jean-Pierre Neu est nommé curé à Loutzviller alors que l’église et le presbytère sont détruits.
Les offices ont été célébrées dans l’ancienne salle paroissiale, qui sera démolie après la construction de l’église. L’école, le logement du curé et de l’instituteur sont dans une baraque.
L’église dédiée à la Sainte Trinité détruite durant
et de l’aménagement de l’église reconstruite. Elle est consacrée en 1962 par Mgr Paul-Joseph Schmitt, évêque de Metz qui baptisera également les nouvelles cloches en 1963.
Un plan d’urbanisme
Comme le village était détruit à plus de 79 % , un plan d’urbanisme était obligatoire. C’est le cas de plusieurs villages situés dans la partie agrandie du camp militaire de 1940 à 1945. Cette zone était un véritable nomad's land durant l’occupation allemande.
Dans le projet proposé par l’urbaniste C. Queyas étaient prévus, la rectification de la voirie, la création d’un réseau d’eau potable, la création
d’une place publique devant la mairie-école, l’aménagement d’un terrain d’évolution , le déplacement du cimetière à l’extérieur de l’agglomération et l’aménagement d’une zone de compensation pour les bâtiments qui ne pouvaient pas être reconstruits à leur emplacement d’avant guerre.
Le projet a été approuvé le 9 décembre 1945 par le conseil municipal présidé par le maire Paul Heckel. Le préfet da la Moselle a donné un avis favorable au projet d’aménagement et de reconstruction le 10 juin 1947.
Les activités agricoles
En 1952 il y avait 39 exploitations agricoles, 26 en 1969, et actuellement une seule, les hommes étaient agriculteurs, maçons, mineurs, artisans. C’est aussi l’année où les entreprises allemandes commencent à embaucher des hommes et des femmes. Alors que les femmes vont travailler dans les fabriques de chaussures, les hommes se font embaucher dans les usines en Allemagne et à Sarreguemines. Le ramassage se fait en bus.
Tout s’accélère jusqu’à 2021, Comme les fils d’agriculteurs préfèrent travailler à l’usine de 60 exploitations en 1960, il en reste une. Les actifs vont travailler dans le bassin de vie de Sarreguemines-Bitche et en Allemagne.
Enseignement
L’école mixte créée en 1730 a accueilli les élèves du village jusqu’en 1997. Ce qui a changé en 1994, la commune de Loutzviller, sur proposition du maire Roger Wurtz décide d’envoyer ses enfants dans le regroupement pédagogique dispersé de Volmunster. La classe est rattachée à l’école Adolphe Yvon de Volmunster. Par manque d’effectifs les élèves ont été obligés de fréquenter l’école Adolphe Yvon de Volmunster. Le transport par bus est gratuit. La commune participe aux frais engagés par la commune de Volmunster au prorata des élèves. Au fil des ans, en raison du manque d’effectifs, seront fermées les écoles de Nousseviller-lès-Bitche, Weiskirch et Loutzviller. A la rentrée 2018 se rajoutent Breidenbach, Lengelsheim et Schweyen au regroupement. Actuellement, les élèves de tous ces villages cités fréquentent les trois classes de l’école Adolphe Yvon et peuvent déjeuner à midi au périscolaire et l’école maternelle Le Petit Prince.
A 11 ans, les élèves entrent au collège Jean-Jacques Kieffer et à 15 ans en seconde au Lycée Teyssier à Bitche.
Après les guerres de Trente ans (1618-1648), l’incursion sauvage des Suédois (1633) et les nombreuses occupations répétées et dévastatrices par les Français, la plupart des villages n’avaient plus d’habitants. En 1661, il y a à nouveau 2 à 6 habitants. Recensement au fil des ans
Louis XIV veut repeupler la Lorraine dont fait partie le pays de Bitcherland, c’est pourquoi, il prend l’arrêt du 8 avril 1686: « les habitants dépendant des gouvernements de Bitche et de Hombourg pourront défricher autant de terres incultes qu’ils pourront labourer, et demeureront propriétaires. Ils ne paieront que la dîme des fruits. le gouverneur fait appel à des immigrés en les dispensant de payer des impôts durant 10 ans. » Cet arrêt du roi complète une série d’arrêts semblables par le duc Charles IV entre 1660 et 1670 La Lorraine était occupée jusqu’en 1697 par le roi de France Louis XIV.
Grâce à ces différents arrêts, une ère nouvelle de prospérité relative s’est ouverte. Des immigrants sont alors venus du Tyrol, de la Suisse, de l’Alsace, du Palatinat, d’Italie… Le premier acte de naissance après toutes ces guerres date du 16 avril 1692: Jeanne fille Christian Bidel et de son épouse Marie.
En 1703, il y avait de nouveau 19 feux et 95 habitants En 1793, Loutzviller compte 154 habitants en 1861: 764, en 1936: 248, en 1946 : 154 et en 2019 :153 . Elle est plus ou moins stable depuis 1946 contrairement à d’autres communes.
Comme la population est restée stable, est un signe que les nouveaux habitants sont bien accueillis et s’intègrent bien dans la population.
Un village accueillant
Loutzviller, est un village accueillant grâce à des espaces fleuris et bien aménagés. Un groupe de personnes interviennent bénévolement à restaurer un calvaire, construire une armoire extérieure pour réceptionner les bouchons, à bien entretenir l’église paroissiale, à aménager la place publique, à mettre en valeur une source…
En somme, grâce à son cadre agréable c’est un village où il fait bon vivre. C’est pourquoi les gîtes de Loutzviller sont très appréciés par les vacanciers.
Joseph Antoine Sprunck
le 29 janvier 2022
Sources:
L'évacuation en Lorraine de Marcel Neu
Loutzviller, la grande paroisse d'autrefois de Gérard Henner
Loutzviller 1970 de Gérard Feld
Le Pays de Bitche par Marie-France Jacops, Jacques Guillaume, Didier Hemmert
Brenschelbach-Riesweiler de Kurt Schöndorf
Crédit photos: Xavier Michel, Joseph Antoine Sprunck, Collection personnelle de l'auteur