Evacuation à pied lors des batailles en Moselle en 1944 par plusieurs famille du Bitcherland
Les actuels événements en Ukraine rappellent aux derniers survivants cette évacuation à pied durant la deuxième guerre mondiale dans des conditions très dangereuses et cela les émeut beaucoup.
Le 30 septembre 1944, après la tombée de la nuit, les familles Jean Fischer d’Eschviller, Jean Meyer et Jean Fischer de Volmunster, Jacques Meyer et Antoine Sprunck ont quitté Manhoué à pied avec leurs valises.
Arrivée des Américains
Le 13 septembre 1944, Manhoué est investi par les Américains. Des soldats allemands sont tués, les prisonniers allemands déposent les dépouilles de leurs camarades dans notre grange avant de les enterrer. C’est la première fois que Joseph, âgé de 5 ans, voit des hommes morts, qui ne bougent plus. Aussitôt, il rejoint ses parents et se jettent dans la jupe de sa mère pour pleurer.
Quand Joseph reverra en 1962 des rebelles tués en Algérie, cela le fera penser à ces soldats allemands morts pour rien. A chaque fois que les soldats ont tué un rebelle algérien, ils l’ont attaché à l’avant du véhicule et l’ont ramené comme un trophée de chasse. Joseph s’est chargé chaque fois de l’enterrement de ces rebelles morts.
Durant chaque guerre, le soldat devient un chasseur d’hommes, un véritable prédateur. Il le devient sans le vouloir réellement, car des camarades sont tombés à côté de lui, et tout doucement un esprit de vengeance s’imprègne dans sa mentalité sans qu’il s’en aperçoive.
Il ne reste à Manhoué, le 30 septembre 1944 que les Mosellans et les Polonais.
Comment communiquer avec les Américains,
Les Américains, nous prennent pour des Allemands. Heureusement que les Polonais parlent aux soldats américains, d’origine polonaise et expliquent la situation des habitants de ce village. L’atmosphère se détend, et les Américains distribuent du chewing-gum et du chocolat à tout le monde, Joseph aura le droit de monter dans un tank. Ils restent deux à trois jours, puis quittent le village.
Première victime
Le 27 septembre 1944, deux chars allemands entrent au village, Jean Fischer, originaire d’Eschviller, commune de Volmunster, est atteint d’une balle, alors qu’il rentrait les canards qui se promenaient sur la route, ensuite les chars rebroussent chemin. Joseph est témoin de la scène et il appelle son père qui vient aussitôt au secours du blessé. Hélas, celui-ci meurt rapidement et sera enterré près de l’écurie de la maison qu’il occupait. Trois jours après, le 30 septembre les habitants sont invités par les Américains à rejoindre à pied après la tombée de la nuit, le village d’Aboncourt-sur-Seille, distant de deux kilomètres. Le transport par camion est trop visible. C’est loin, quand des tirs traçants passent au-dessus de votre tête. Chacun porte ce qu’il peut, les grandes personnes des valises, les enfants des sacs ou toutes sortes d’objets hétéroclites. Joseph, a maintenant cinq ans, il porte les chaussures de dimanche de son père dans une main, et dans l’autre le bidon à lait de 3 litres avec à l’intérieur le réveil et un coutelas. Beaucoup de grandes personnes pleurent, car pendant toute la marche, on entend la bataille faire rage et des tirs traçants traversent le ciel. Personne ne parle, chacun marche aussi vite que possible. Tout le monde a hâte de trouver un abri. La peur fait accélérer Mathilde , originaire d’Ormersviller, elle n’arrive plus à suivre avec son landau où est couché son dernier fils. Elle le prend dans ses bras et pousse le landau dans le fossé.
Transport en GMC
Enfin, la colonne de réfugiés, arrive par chance sans incident à Aboncourt. Dans le plus grand silence, les familles avec tout ce qu’elles pouvaient emporter, embarquent sur des GMC américains qui les emmènent à Nancy libéré.
Ils seront pris en charge par la Croix Rouge et le Secours National. Tout le monde est logé dans une école désaffectée 12, rue de Serre à Nancy jusqu’au 15 novembre 1944. Midi et soir, on servira des pâtes. A peine arrivé, l’argent allemand est changé en argent français. Le 5 octobre 1944, la police nationale établit à Antoine une carte d’identité française au vu du certificat de domicile et du livret de famille.
Joseph Antoine Sprunck
Témoignages de Germaine Faber, née Fischer et de l’auteur.