Hafida Chabi l'auteur du livre "Un combat tranquille "
Hafida Chabi, fille de Harki, vient de publier son autobiographie « Un combat tranquille ». Hafida nous parle du déracinement de la famille, de son arrivée au camp militaire de Bitche avec ses parents et les frères et soeurs. Elle y décrit surtout le combat qu’elle a mené pour réussir dans la vie.
Fin de la guerre d’Algérie
Il y a 60 ans, l’Algérie a conquis sa liberté perdue en 1830, après huit ans de combats contre l’occupation de la France, le cessez le feu est signé le 19 mars 1962 et le 3 juillet 1962 l’indépendance est reconnue par la France après le référendum du 1 er juillet. De 1954 à 1962, 30 000 soldats français sont morts durant cette guerre d’après l’historien Benjamin Stora. Les appelés retournent dans leur famille, les Européens et les Harkis sont rapatriés en France, souvent dans des conditions très précaires. Durant cette année 1962, environ 25 000 ont fui vers la France avec femmes et enfants, mais pas tous loin de là. En effet, plusieurs dizaines de milliers de Harkis ont été massacrés en Algérie, car ils ont été considérés comme des traîtres. Tous ceux qui ont vécu cette période, méconnue par beaucoup, ont été marqués par elle et ne l’ont pas oubliée. Nous avons rencontré Hafida Chabi, fille de Harki qui avait 5 ans en 1962. Elle vient de publier son autobiographie « Un combat tranquille ».
Déception et déracinement
Le camp de Bitche a été créé en 1900 par les Allemands durant l'annexion de l'Alsace-Moselle
En arrivant au camp de Bitche, les familles sont logées dans un grand bâtiment où la salle était
Hafida qui aime la liberté sera seule à s’insurger contre la tradition que son père veut faire respecter. Il la réprouve, mais dans son regard Hafida lit une lueur de fierté. Elle voudrait lui poser des questions sur son engagement dans l’armée française qui n’a eu aucune reconnaissance pour son aide lors de la guerre d’Algérie, mais elle n’osait pas.
L’école
Arrivée en France, Afida va fréquenter l’école de Bitche-Camp, puis le collège Jean-Jacques Kieffer. Lors de la fête du collège, son professeur principal lui demande de se présenter, car beaucoup, ne savent pas quel rôle ont joué les Harkis lors de la guerre d’Algérie. Elle a terminé par un constat: « Depuis que je suis ici, je n’ai pas encore d’amis de mon âge, comme en Algérie, dans mon village. … » Tout le monde applaudit, sauf son père qui « sans doute aurait-il aimé voir, ce soir-là, mon frère à ma place. A la place d’honneur, c’est un garçon. Il compte beaucoup à ses yeux. Beaucoup plus qu’une fille. C’est comme ça chez nous. C’est La tradition » nous dévoile-t-elle.
Arrivée en troisième, le père n’accepte pas qu’elle aille dans un lycée à Sarreguemines.
La soif d’apprendre
Hafida ne se décourage pas, elle veut continuer les études, et elle s’inscrit dans une école professionnelle, mais le père s’y oppose, car c’est contraire à la Tradition et à l’esprit de l’islam. Soutenue par Soeur Sarah et l’accord tacite de sa mère, elle continue à fréquenter l’école et réussit ses examens. Un médecin de Bitche l’engage pour l’accueil des patients et des tâches de gestion. Le salaire sera surtout employé pour améliorer l’intérieur de l’appartement.
Les « oubliés de l’histoire »
« La France a sauvé les Harkis, les a logés généreusement, mais les avait oubliés, car ils vivaient dans l’isolement et le silence. Nommée membre de la section du Conseil économique, social et environnement (CESE), j’ai rédigé une étude sur « La situation sociale des enfants de Harkis » qui a été votée, transmise au gouvernement, et adoptée par CESE en 2007. Elle est devenue loi le 25 février 2022. » affirme-t-elle.
Cette fille de Harki a réussi grâce à sa persévérance dans le combat tranquille avec la « Tradition » de la famille et le pays d’adoption.
Joseph Antoine Sprunck
Sources:
- Entretien avec l'auteure Hafida Chabi
- Le livre: Un combat tranquille de Hafida Chabi
- Hors série de la "La Vie":1830-2022, France Algérie"