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L’évolution d'un village du Bitcherland 1945 à 2024: Ormersviller

 En 1945/1946, les habitants d’Ormersviller reviennent de leur évacuation en Charente de 1939




Les habitants évacués  à Brie sont allés en 1940 en pèlerinage à Lourdes, emmenés  par leur curé Jean-Pierre Karp

 

à 1940 et de leur expulsion de 1940 à 1945 dans le Saulnois où ils occupaient les maisons meublées des propriétaires, expulsés vers les départements français, indésirables pour les Allemands. La Moselle et l’Alsace ont été annexées de fait à l‘Allemagne après l'armistice signé le 22 juin 1940 à Rethondes. Les expulsés et transplantés reviennent qu’après la signature de la capitulation sans condition le  8 mai 1945.



A gauche les propriétaires de la maison de Manhoué, et à droite les Bitcherlandais

Une famille d'Ormersviller retourne à Manhoué en en 1970 pour rendre visite aux propriétaires de la ferme qu'ils occupaient malgré eux  de 1940 à 1944. 


La retraite des Allemands


Dès le mois d’août on entendait  au village « Sie kumme ball » (Ils viennent bientôt ). La libération par les  Américains était attendue avec impatience. Le premier signe avant coureur a été la retraite des militaires  et des familles allemandes le vendredi  1er septembre 1944. Ce jour là, les colonnes de soldats allemands passent et emmènent les bicyclettes et les chevaux des habitants. En même temps les douaniers du poste de douanes  de Manhoué et les  fermiers allemands emmènent tous les bovins. Ce qui était bizarre c'est qu'en face il n'y avait pas des douanes françaises, vu que l'annexion était de fait. Seuls les Mosellans du Bitcherland et les employés polonais restent sur place et s’installent dans la cave. Le mercredi 13 septembre une colonne de militaires américains suivie par plusieurs tanks libèrent le village,  dont certains étaient d'origine polonaise. Les Polonais de Manhoué ont  expliqué aux Américains d'origine polonaise que les habitants occupant les caves étaient  des Français. Le  samedi 30 septembre 1944 tout le village a été évacué le 30 septembre à Nancy par les Américains,


Un retour très attendu

                 


Vue aérienne d'Ormersviller en 1945. Les maison n'ont plus de toit.


Le retour au Bitcherland s’effectue au fur et à mesure que les baraquements  se  montent dans les endroits adéquats et dans les maisons non détruites et mises  hors d’eau. Marcel Pierron de Sarreguemines  a accompagné le sous-préfet qui devait  nommer un maire dans les  villages des 18 communes incluses dans le camp de Bitche de 1940 à 1945. Il  m’a avoué: « A mon avis, c’est la population de ces 18 communes qui a le plus souffert durant cette guerre. Tous ont été évacués en 1939, ils sont revenus en septembre 1940, puis à nouveau expulsés et transplantés dans le Saulnois en novembre 1940 pour devenir « Siedler ». Partout où Marcel Pierron est passé, il a fait des photographies qui ont été publiées dans de nombreux livres. Les premières familles qui sont revenues ont commencé à habiter la cave de leur maison jusqu'à la  mise hors d’eau de la maison.



Il faut vraiment avoir du courage pour revenir dans son village natal détruit après la guerre. Certaines fermes n'étaient pas détruites, par contre pratiquement tout a été volé.


La razzia des chevaux et des bovins


D’après les historiens, lors de leur retraite, les Allemands auraient emmené  environ 30  000 chevaux de traits, et 50 000 vaches lors de leur retraite pour être remis aux paysans expulsés en Sarre et au Palatinat. Seule une partie est récupérée après le 8 mai 1945 pour être remis aux paysans expulsés de Moselle. C’est en reprenant une partie des bêtes et des machines agricoles que les paysans du Bitcherland ont pu redémarrer leur exploitation agricole.

 

Villages détruits


Comme le village d’Ormersviller a été détruit à plus de 75% de nombreux  habitants ont dû





En arrière plan, un baraquement pour une seule famille.


recommencer à zéro tout en logeant entre 6 et 8 ans dans des baraquements. Quand la place manquait sur une propriété, la famille devait habiter dans le quartier des baraquements réservés pour 16 familles.  Ainsi, seuls ceux qui ont tenu à leurs terres reviennent habiter au village natal. Il fallait vraiment avoir du courage pour vivre dans ces conditions.
 En 1936, Ormersviller compte 465 habitants, de 1939 à 1945 seules quatre familles ont le droit d’y loger en payant un loyer à l’armée allemande. Elles sont employées par la ferme d’Etat dirigée par un ingénieur agronome. En 1946, seuls 100  habitants sont recensés, car ils ont la possibilité d'habiter dans leur maison, puis le nombre passe  à 309 en 1954 quand c’est la fin de la reconstruction.  


 Aidés par des prisonniers allemands


Dès  le mois de mai 1945, des prisonniers allemands  ont été chargés de déminer les champs et les prés. Ils étaient près d’un million en France. De plus, ils ont dû ramasser tous les obus et autres munitions. Ils étaient logés d'abord dans une maison dans la rue du Barrage, puis dans un baraquement.

Chaque  prisonnier a déminé durant la journée et le soir, il a aidé aux paysans. Un prisonnier a été affecté à chaque famille de paysan  pour les travaux de la ferme. Ils sont été libérés  le 31 décembre 1948. Sur  le dos de chaque veste était écrit PG (Prisonnier de Guerre). Après leur départ, les paysans ont encore trouvé  des petites munitions qui seront déposées à la mairie. Pour les mines et les obus, c’est le service de déminage de Metz qui est intervenu sur place. 


Le triste retour après la guerre


La grande surprise à leur retour, c’est un village détruit sans électricité, ni téléphone. Il en est de même dans les 25 villages intégrés dans camp militaire de Bitche de 1940 à 1945. Toutes les lignes électriques ont été démontées durant la guerre par les Allemands. Durant la guerre, toutes les machines en fer et les cloches des églises ont rejoint les usines allemandes pour récupérer les métaux. Tout est parti par la gare de Brenschelbach (Sarre).

On s’éclaire avec des lampes  à pétrole et des bougies comme avant 1928. L’électricité et le téléphone reviendront en 1947. Malgré toutes les destructions, seules  60 familles sur 70 sont revenues.  Ce sont surtout des double-actifs, qui ont  préféré rester sur place, où ils avaient obtenu de bons postes durant la guerre.


Déconstruction et reconstruction


L’entreprise Pierron de Nébing a embauché  en 1945/ 1946 sur place pour déconstruire entièrement les maisons détruites. Les poutres des charpentes ont servi pour le chauffage et  à la construction d’abris de bois  et les moellons ont été entassés en tas rectangulaires et ont servi à la reconstruction. A Ormersviller des rails ont été posés à partir du croisement des rues d’Epping et de Volmunster pour transporter les gravats et les déchets avec des wagonnets à bascule. Ils ont été  tirés par un cheval  vers le Hasenberg derrière le cimetière où tout a été déversé.


La reconstruction


Vu que plus de 75% des maisons étaient détruites, un plan d’urbanisme a été proposé et approuvé par le conseil municipaL Ainsi les fermes ne sont plus mitoyennes, les rues sont élargies et 



Claude Meyer, le fontainier , s'occupait du réseau d'eau potable de six communes


un réseau d’eau potable est créé en 1952. 


Rue d'Epping en 2023


De nombreuses maisons ont été reconstruites dans la rue d’Epping. Vers  1949 une coopérative de travaux de construction, présidée par Joseph Vogel a été créée à Ormersviller.  La reconstruction des habitations ne s’est terminée qu’en 1960.  La dernière reconstruction a été 



la chapelle Saint-Joseph en 1962/1963.


Recommencer à zéro


Quand ils reviennent après la guerre, chaque exploitation doit recommencer à zéro. Heureusement que l’Etat remet aux exploitants 




C'est la rentrée du regain en août 1972 avec toute la famille.


agricoles une partie  des chevaux et des vaches que les Allemands avaient emmenés en septembre 1944 ainsi que des machines agricoles. Toutes les familles recommencent à zéro.

A part l’épicier, les  60 familles ont du bétail en fonction de la surface qu’ils exploitent. 


 


Nous sommes en 1960,  Antoine vient de préparer son champ de pommes de terre au Pifferberg. 


Certains ont eu un ou deux chevaux et entre 5 à 8 vaches, 5 à 6 porcs, des lapins, des poules, des canards et des oies. Chaque famille  avait un grand potager et de nombreux  arbres fruitiers. Ceux qui ont deux chevaux  ont cultivé entre 16 à 20 ha. La plupart des parcelles ont 20 ares, et certaines n'ont que 10 ares.

Les doubles actifs (les maçons et les mineurs HBL) n’ont qu’un cheval et trois à quatre vaches, ou seulement deux à quatre vaches.

En 1960, on commence à remplacer les chevaux par des tracteurs, ce qui permet  d'agrandir le troupeau de vaches et de récolter plus de lait. L'argent de la vente du lait au  laitier servait aux dépenses courantes de la famille. Par contre, la vente des    veaux, des génisses et des porcs permettait d'acquérir des machines agricoles, des meubles.

 ou  des terres mises surtout en vente  par adjudication.



Le tracteur commence à remplacer les chevaux


Comment  les familles ont-elles vécu  après guerre?


Pratiquement toutes les familles ont vécu en autarcie. Chacun a des poules, des lapins, des oies, des canards, des porcs, un grand potager, des arbres fruitiers  On n’achète à l’épicerie que l’indispensable: l’huile, le vinaigre, le sel, le sucre les épices… et le pain chez le boulanger. Chaque famille tue un ou deux cochons par an. Elle en fait du pâté, différentes  saucisses, du lard et du jambon fumé, du fromage de tête. On tue un cochon à la Kirb   et le deuxième  avant Pâques.  On boit de l’eau ou du cidre fait maison dans des tonneaux.  

Le soir on boit du lait avec des pommes de terre rôties et de la salade verte, la fermière fera elle-même le fromage.

Au retour en 1946, les enfants n'ont  rien pour jouer, pas de ballon, pas de jeux de société. Et pourtant ils savent s'occuper.  On joue à cache cache, aux gendarmes et voleurs dans maisons détruites, grimper dans les arbres ...

Souvent, ils  doivent travailler; donner du foin et des betteraves aux lapins, garder les vaches, et bien d'autres petist travaux. On pouvait jouer dans la rue, car il n'y avait pas de voitures automobiles.

Le grand changement débute en 1960 quand les usines allemandes pnt  commencé à recruter du personnel et ont mis en place un service d’autocars. Les femmes vont travailler dans les usines à chaussures et les hommes dans les usines métalliques. Avant 1960, seuls  des hommes sont salariés au Houillères de  Lorraine et dans les entreprises de travaux publics. Avec la mise en place d’autocars, certains se font embaucher en Allemagne   dans les usines. Il en est de même pour les femmes qui vont surtout travailler dans les usines de chaussures. Puis avec l’acquisition des voitures, les autobus ont arrêté de rouler.


Disparition de la cohabitation


Après la guerre, au retour des malgré-nous prisonniers, dans la plupart des familles, il y a de nombreux mariages. Ceux qui vont reprendre l'exploitation  vont  cohabiter avec les parents, et les autres partent dans  les régions industrielles. La  cohabitation est tout à fait normale, car les parents exploitants  agricoles ne touchent pas de retraite. 

Elle sera seulement  créée en 1952 et  l'assurance   

maladie en 1962. A  partir  de cette période  les jeunes  couples vont  chercher des logements pour ne pas loger avec les beaux-parents. Il arrive aussi  qu'ils aménagent un logement au premier étage. Par contre, la cohabitation reste encore  en vigueur dans certaines familles, mais cela se raréfie de plus en plus. C'est pour cette raison que de nombreuses  maisons d'habitation sont construites par les jeunes couples. Ce n'est pas parce 'il y a plus de maisons qu'il y a 70 ans qu'il y a plus d'habitants. Souvent quand le père ou la mère vivent seuls,  à leur décès, la maison est vendue.


Le changement dans l’agriculture


C’est aussi à partir de cette date  que les petites exploitations agricoles des doubles actifs disparaissent. Les terrains agricoles sont repris par les grands exploitants et avec la mise en place  du remembrement à partir des années 2000. Certains terrains sont actuellement exploités par  des exploitants n’habitant pas le village. En 2023, il reste encore 6 fermes dont une famille d’arboriculteurs, une qui vend ses produits sur les marchés et  une miellerie. 

Certaines fermes  élèvent uniquement des vaches allaitantes et d’autres des vaches laitières.


La santé des habitants


En 1946, aucun habitant ne souffrait de surpoids ou  était alité.  Ils se soignaient surtout avec des tisanes et le fameux Schnaps. Les seuls moyens de déplacements, c'était à pied, à vélo, le chariot attelé de chevaux ou le bus qui passait deux fois par semaine au village pour rejoindre la ville de Sarreguemines. Les mineurs prenaient le bus au village  voisin qui les emmenait  au Puits Simon à Petite-Rosselle.

Les seuls qui étaient assurés à une caisse de maladie étaient les mineurs et ceux qui travaillaient dans les entreprises  de travaux publics chargées de la reconstruction des maisons.

Les paysans n'étaient pas assurés, c'est seulement en 1961 que la caisse de mutualité agricole a été créée. L'adhésion était volontaire.

Il faut signaler que les gens étaient rarement malades. Quand on voyait le médecin au village, c'était exceptionnel. A cette époque, il n'y avait que  deux médecins à Bitche et à Rohrbach-lès-Bitche et un à Volmunster.

Quand quelqu'un se cassait une jambe ou avait une tendinite, il allait voir un rebouteux. On en trouvait à Petit-Réderching, Rahling et Hambach...

Il est à remarquer que les gens vivaient sainement, car ils se nourrissaient des produits de leur ferme et de leur potager. A cette époque on n'utilisait aucun pesticide. Grâce au système de l'assolement,  les champs  étaient sarclés  deux  fois de suite lors de la culture des pommes de terre et de betteraves.

Alors qu'actuellement, la moissonneuse-batteuse rejette les mauvaises graines dans les champs, à cette époque on moissonnait et les gerbes regroupées en moyettes. Elles  sont  rentrées  à la fin de la moisson, battues dans la grange, et les graines des   mauvaises herbes transportées en forêt où elles ne se reproduisaient pas, faute de lumière suffisante. 


La communauté villageoise a changé


Jusque dans les années 1960, on se rencontrait à pied dans la rue,  dans les champs lors de la moisson ou la fenaison, aux offices religieux et   au café après la messe dominicale. En hiver, on se rencontrait lors des veillées où l’on évoquait très souvent  l’évacuation en Charente, l’expulsion dans le Saulnois. C’est ainsi, que chacun faisait partie d’une véritable communauté. Au décès d’un habitant, le cercueil est resté à la maison du décédé. Une personne de chaque famille du village y est allée pour  s’y recueillir, puis elle a assisté  aux obsèques à l’église. Quatre voisins ont creusé la tombe et ont porté le cercueil jusqu’à l’église puis au cimetière. Et c’est ainsi qu’il y avait une vraie solidarité entre les habitants du village. De plus tout le monde se connaissait. Actuellement  c’est une entreprise de pompes funèbres qui s’en occupe, et le cercueil est entreposé dans un local funéraire.


L’évolution du transport des personnes


Avant la guerre, un car reliait Bitche et Sarreguemines à partir de Volmunster. Pour se déplacer en famille, ceux qui avaient des chevaux se déplaçaient en char à bancs, qui est une voiture hippomobile ouverte, à quatre roues, destinée à transporter plusieurs personnes.

Après la guerre, un seul char à bancs a été retrouvé qui va servir  à de nombreuses familles à Ormersviller. Pour aller à Sarreguemines ou Bitche ou pour prendre le train en 1946 et 1947 le service de transport fonctionnait avec des camions bâchés qui ont été remplacés par des autobus. En 1950, seuls le charron et l’épicier avaient une voiture commerciale personnelle. Pour se déplacer, beaucoup ont utilisé  la bicyclette ou la mobylette particulièrement les jeunes. En 1960, les premières voitures personnelles sont achetées pour rejoindre le poste de  travail. Pour tous,  il y avait deux problèmes, le permis et le financement. D’abord ce sont les jeunes qui ont passé le permis, puis la plupart des habitants.  Vu la progression rapide des déplacements personnels en voitures, les liaisons avec les bus vont disparaître.  A partir des années soixante, les bus scolaires sont mis en place pour les collèges et les lycées. A partir de 1975, ce sont  regroupements scolaires qui utilisent les bus de plus en plus. Actuellement, il y a vraiment un abus dans les déplacements. On prend la voiture pour tous les déplacements au village. Alors qu’en 1946, tous les enfants allaient à pied à l’école, en 2024, on prend la voiture pour faire  200 mètres.


Une évolution inattendue des familles 


Jusque dans les années 1970, toutes les familles se connaissaient, car c’était toujours la même  famille qui y habitait soit le  fils, soit la fille qui reprenait la maison. Depuis les années 1960, la femme va aussi travailler, les enfants sont gardés par les grands parents ou une nourrice. C’est à partir de cette époque que les familles nombreuses se raréfient et c’est  ainsi que les écoles des villages ferment Avec le départ de tous les enfants, les maisons ont commencé à se vendre, et c’est ainsi que de nouvelles familles françaises et allemandes achètent et s’y installent. Beaucoup de  nouvelles maisons se sont construites dans la rue de Volmunster, d’Altheim, de la Chapelle et de la Forêt. Grâce aux associations, ceux qui en font partie apprennent à se connaître.  Malgré les animations organisées par la commune  ou les associations, certaines familles refusent d’y participer, surtout lorsqu’elles ne sont pas originaires du Bitcherland.


La vie des jeunes


La formation des jeunes a été très troublée de 1939 à 1946. 1939 à 1940, ils fréquentent l’école en Charente, puis de 1940 à 1945, c’est l’école allemande avec l’écriture gothique jusqu’au 3 janvier 1941, puis Hitler impose  l’écriture cursive, quand il apprend que la gothique a été inventée par un juif.  A Ormersviller, deux institutrices nommées début 1946 quittent le poste, car il n’y a pas de matériel correct, ni électricité et eau. L’école a ouvert  le 1er octobre 1946 dans l’ancienne école des filles avec l’instituteur Joseph Weissend. Avec les deux annexions allemandes, les parents nés avant  1910 ne parlent que  la langue francique à la maison.  Par conséquent, au village jeunes et moins jeunes ne parlent français qu’à l’école. Encore en 2024, certains jeunes continuent à parler le Platt pour pouvoir discuter avec leurs grands-parents. Tous les jeunes restent à l’école élémentaire jusqu’à 14 ans. A partir de 1964, un car de ramassage les emmène au collège de Bitche, ce ne sont que les bons élèves qui  font des études secondaires. Pour y accéder il faut passer un examen d’entrée en sixième à 11 ans. 

Depuis, l’inscription automatique au collège, les jeunes apprennent à faire connaissance de nombreux jeunes des autres villages, ce qui change  toutes les relations. 


Pourquoi les jeunes ne restent-ils pas au village?


Les   jeunes  qui font des études supérieures restent rarement au village, car les postes qu’ils vont occuper sont souvent dans les grandes villes de Lorraine ou d’Alsace, voire ailleurs en France ou à l’étranger. C’est la raison pour laquelle de nombreux clubs de sport ont été dissous faute de membres suffisants. De plus, les naissances baissent,  avec l’arrivée des voitures pour tous, certains jeunes acceptent plus facilement un poste loin de la famille.


Le rôle important des associations


A  l’initiative de Robert Kister de jeunesse et sports, des foyers de jeunes et des associations sportives ont été créées dans les années 1960 à 1970. Puis dans les années 1980,  Arthur Letzelter du  Parc naturel régional des Vosges du Nord  a lancé les clubs de seniors. Hélas, pour qu’une association  perdure, il faut toujours un bon président soutenu par son comité et la commune.  Au fil des ans, des clubs de football ont dû s’associer à d’autres villages et d’autres associations ont été dissoutes par manque de membres et d’activités. Les associations ont deux salles à leur disposition: la salle Bexon et la salle socioculturelle. A  Ormersviller, on trouve les associations suivantes:


L' Entente ORMERSVILLER-EPPING est un club de football affilié au district Moselle , son siège est à Ormersviller, il comporte 2 équipes pour la saison 2023 - 2024. Le FC Ormersviller a été créé en 1938 


 

Photo ESOE
Joueurs et famille à l'assemblée générale 1923 


Le club des Aînés   regroupe des membres


Photo Mairie d'Ormersviller
Les AÎnés  au balcon de la salle Bexon

d’Ormersviller ainsi que d’autres villages. Il a un groupe de danses qui s’entraîne une fois par semaine. Une fois par mois, les membres se retrouvent pour des jeux de société. Au mois de septembre, elle cuit du Quetscheschlaeggel (une marmelade typiquement locale)

L’association  des Amis de la chapelle Saint-Joseph  entretient la chapelle et organise  le pèlerinage de l’Assomption. 


Assemblée générale des Amis de la chapelle en 2023.

L'association des parents d'élèves

 


Fête de départ à la retraite de Pascale Vogel, organisée par  les parents d'élèves et ses collègues.

Ces quatre associations s’entendent bien et s’entraident.

Cela  génère un bon esprit et une excellente solidarité au village, très appréciée par les nouveaux habitants. 

Il faut noter qu'entre le village et  le hameau Selven  sur un terrain communal on a commencé dans les années cinquante:

- un terrain de football




- le complexe salle socioculturelle,  mairie et  club



house, un terrain multisport synthétique, une aire de jeux un abri multiservice  et un boulodrome

- le presbytère aménagé en sept logements




 intergénérationnels comprenant une antenne paroissiale et la salle Bexon destinée aux rencontres diverses.


Baisse la pratique religieuse  


Comme le presbytère a été détruit, le curé Jean-Pierre Karp, expulsé en France en 1941 avec 98 autres prêtres, est revenu 1945 et a logé  dans le logement de l’école de filles et les offices ont été célébrés dans  la salle de classe de l’école de garçons. Après la réparation du toit,  les offices ont été célébrés à l’église. Le dimanche à 8 h le curé a distribué la communion et à 10 h, c’était la messe solennelle à laquelle tous  les habitants du village assistaient.  Aux vêpres de 14 h    environ 50% de la population venait. 

En mai et en octobre, on récitait à 19 h le chapelet et les litanies à l’église. Seules les personnes âgées y assistaient ainsi que les enfants qui en profitaient pour jouer ensemble après l’office.

Tous les matins à 7 h, une messe basse était célébrée à laquelle une vingtaine de femmes assistaient ainsi que les enfants.


Baisse de présence aux offices



Office dans les années 1980




Office religieux en 2023 


La participation aux offices a commencé à baisser vers les années 1970 quand les habitants dont découvert  le monde grâce au cinéma, la télévision, le travail dans les entreprises, les  voyages. Les jeunes commencent à suivre des études secondaires, voire supérieures. Alors qu’avant tous les enfants suivaient le catéchisme jusqu’à 14 ans. Certains se font dispenser actuellement. Ce qui a beaucoup marqué les Mosellans c’est l’évacuation en Charente.  « En Moselle, les prêtres s’opposaient aux bals dans les villages, menaçaient de l’enfer pour toute faute commise. Alors qu’en  Charente, on parlait surtout du principe de l’évangile: Aimez vous les uns les autres. En  Charente, les prêtres ne parlaient que de l’amour et en Moselle que de l’enfer » expliquait un habitant d’Epping dans un reportage. 


Le rôle du chapelet


Beaucoup de jeunes jusqu’à la classe 1927 ont été incorporés de  force par les Allemands en 1942, d’autres sont passés par des camps de concentration ou  de prisonniers.  Beaucoup de familles  ont dû vivre dans les caves lors des bombardements, etc. Sans secours et on ne connaissant pas l’avenir, pour la plupart le seul recours a été le chapelet. C’était surtout le cs de ceux qui sont été incorporés de force  ou déportés. A leur retour, certains ont   conservé ce chapelet et l’ont montré aux visiteurs à leur  retraite. Il en est de même chez les Ukrainiens lors de l'invasion de la Russie en 2022. Les soldats ukrainiens utilisent sur le front les icônes religieuses comme des talismans.

Au fil des ans le fait de vivre avec le religieux a lentement quitté les nouvelles  générations  qui font  des études, des voyages, des sorties, assistent aux concerts, plutôt qu’au bal, sont influencés, par les réseaux sociaux…

Actuellement, dans les ménages  où le couple travaille, les resources sont plus abondantes ce qui leur permet de construire une maison et de ne plus vivre en colocation où  les grands-parents   exigeaient la fréquentation aux offices.  

Actuellement, pour ceux qui déclarent croire en Dieu et qui pratiquent,  le choix est aussi moins imposé et plus réfléchi. Il en est de même pour le  choix du partenaire dans le couple.  L’esprit de liberté est apprécié, chacun vit pour soi, organise ses sorties le week-end, certains continuent  à faire partie d’une association du village ou ailleurs.



Informations et communications


En 1945, seule la poste a fonctionné, c’est ainsi que  toutes les communications lointaines se faisaient par lettre. Au début, le facteur apportait les journaux Courrier de Metz   chez le curé Jean-Pierre Karp qui le faisait distribuer par les enfants. Vers les années 1948 il est envoyé  par la poste. De nombreuses  familles  se sont abonnées  à l’hebdomadaire: L ‘Ami des Foyers chrétiens.  Ensuite, certains se sont abonnés à France Journal, puis  ceux qui savaient lire le français    au Républicain lorrain. Vers les années 1950, ce sont les radios qui sont entrées dans les foyers et vers 1960 ce sont les transistors que jeunes emmènent dans leur chambre . Alors que les jeunes écoutaient les stations françaises et les seniors écoutaient surtout Radio Sarrebruck. 

En 1947, le téléphone public est installé chez  Ernestine Vogel qui habite dans un baraquement dans  la rue de Volmunster. Vers 1950, Joseph Schaff, le charron, la mairie et le bureau  de la coopérative de construction ont obtenu le téléphone. A cette époque, on s’en sert qu’en cas de besoin. Puis au fur et à mesure les téléphones s’installent, et à un moment donné uniquement si la ligne est libre.


L’impact de l’audiovisuel et du numérique


 En 2007 est installé la fibre optique grâce à laquelle, chaque foyer peu avoir le téléphone, internet et la télévision. Le Bitcherland a été le premier pays rural a être câblé en France. A partir de 1985, c’est le portable qui s’est développé. Dans les années 2010  est arrivé le smartphone qui est un vrai ordinateur  portable et un  appareil photo numérique de poche

Suite à ces moyens de communication, les gens se rencontrent   et se parlent  de moins en moins. Comme on ne s’écrit plus de cartes, ni de lettres  et ainsi chacun perd l’habitude d’écrire. En somme, les jeunes couples n’achètent plus le journal, mais le lisent sur internet et on diffuse beaucoup d’informations sur les différents réseaux sociaux.


 

Les rues sont vides

Les enfants  ne jouent plus dehors et lisent de moins en moins les  livres. En raison du  contrôle du taux d’alcoolémie pour conduire les voitures, les cafés ferment les uns après les autres, seuls  les  restaurants restent ouverts. Le café d’Ormersviller est fermé depuis 1991. Les restaurants brasseries sont les plus nombreuses. Plusieurs restaurants gastronomiques ont ouvert. Ce qui se fait de plus en plus,  ce sont banquets dans les salles polyvalentes. Ormersviller a deux salles, la salle Bexon et la salle socioculturelle. 

En raison de tous ces moyens modernes pour communiquer, les rues sont seulement occupées par les voitures, les cars et les tracteurs. Certains prennent la  voiture même pour un déplacement  de 300 m .



La marche est l'activité physique la plus vieille au monde qui peut être pratiquée de 1 à 100 ans 


Joseph Antoine Sprunck 

 

 

Nota: L’auteur, a choisi Ormersviller,  d’où il est originaire. Il a vécu la guerre 1939/1945, la vie dans les baraquements et la rapide évolution de 1946 à 1984. De plus, en tant que correspondant de presse, il y assiste aux nombreuses manifestations.  Publié le 23 janvier 2014.


Joseph Antoine Sprunck

Sources:

- L'immédiat après guerre de Bernard Meddahi 

- Ormersviller, au fil des ans de Gérard Henner

- L'arrondissement de Sarreguemines de Joseph Rohr

- Enquête de l'auteur en 1958

- Collection personnelle des photos





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C’est l’histoire authentique d’une simple famille paysanne du Bitcherland ou l'Itinéraire d'un jeune  durant la guerre Quand Antoine Sprunck, cultivateur, âgé de 45 ans, père de 5 enfants, habitant d’Ormersviller (Moselle), situé à la frontière sarroise, à 11 km au nord de Bitche, est mobilisé le 23 août 1939 au 23 ème SIM à Dieuze (Sud de la Moselle), il ne se doute pas qu’il ne pourra pas exploiter sa ferme d’une quinzaine de hectares pendant sept ans.      Il quitte Ormersviller avec le “Poschtauto” Jost, prend le train à Bitche, puis à Sarreguemines pour Dieuze, où il reviendra fin 1944 avec sa famille après une longue pérégrination.  Il ne retournera avec sa famille habiter dans son village natal que le 1er avril 1946. Après avoir déménagé huit fois, il n’emménagera qu’en 1954 dans sa maison reconstruite.   Antoine avec ses deux chevaux dans la cour pavée devant l'écurie. Son fils René, âgé de 13 ans, monte un cheval en 1939. L...

Guerre d'Algérie: témoignage d'un ancien appelé du contingent de 1961-1963

En 1962, je ne me promenais pas au Bitcherland, mais j’étais en Algérie avec 400 000 autres appelés pour combattre les Fellaghas et l’OAS. C’était pour le maintien de l’ordre, mais en réalité c’était une guerre qui a duré 8 ans de 1954 à 1962. Le rêve d'une "décolonisation en douceur" Pourtant  Ferhat Abbas voulait une  décolonisation en douceur".  C'est pourquoi il  publie e n 1943,  le " Manifeste du peuple algérien ", qui réclame  l’égalité entre Musulmans et Européens, une réforme agraire, la reconnaissance de la langue arabe et une "République autonome" . Puis il jette l’éponge en 1951.   " Il n’y a plus d’autres solutions que les mitraillettes" , s’attrista-t-il. " Toute sa vie, Abbas aura rêvé d’une décolonisation en douceur" ,     écrit Charles-Robert Ageron dans   Genèse de l’Algérie algérienne  . Le maintien de l'ordre se transforme en guerre  Elle a opposé l'armée française à des insurgés nationalistes al...

La riche histoire d'Eschviller contée par Auguste Lauer

Auguste Lauer , instituteur d'Eschvil ler membre fondateur de la Société d’histoire et d’archéologie de la section de Bitche, a enseigné de 1932 à 1936 à Eschviller. Il était originaire de Saint-Louis-lès-Bitche. Il était chevalier   des Palmes académiques et lauréat de l'Académie de Metz. L'école d'Eschviller avait deux salles de classe  Très intéressé par l’histoire locale, il a mené comme son collègue Paul Glad à Bousseviller, des recherches historiques sur Eschviller. Avant guerre, Auguste Lauer et son épouse, née Anne Schwartz, enseignaient dans les deux classes à Eschviller, annexe de Volmunster. Nous avons retrouvé un texte écrit en allemand très intéressant qui est une synthèse de nombreux documents connus en 1936. Il nous apprend mieux ce que les habitants d’Eschviller et de la région ont dû subir sous le joug des seigneurs, à cause des guerres et des invasions. Nous l’avons traduit en français pour vous faciliter la lecture. L...