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Le triste sort de 9 000 habitans du Bitcherland de 1939 à 1945 de Joseph Antoine Spriunck

 

Emile Beck, originaire d’« Eschviller-Bitcherland » raconte l’épopée des »Bitchois » expulsés dans le Saulnois et la région messine dans son livre : « Quand Louvigny s‘appelait Loweningen »


Photo E. Beck


De gauche à droite: Alphonse Kirsch, Marthe Beck, Emile Beck, Paulette Haurase, Lucien Beck


Expulsés en novembre 1940


Les Allemands demandent aux Mosellans évacués   en septembre 1939 de retourner  dans leur village. Malgré cette demande, certains resteront en Charente. La plupart  prennent la décision de rentrer pour retrouver leur village natal. Ils prennent le train en septembre 1940. En arrivant à Sarrebourg, 9 000 Mosellans de 18 communes du Bitcherland, sont abrités dans différents villages dans le pays sarrebourgeois. Malgré l’interdiction, certains en profitent pour retourner en privé dans leur village. C’est après le 11  novembre 1940  que « les Bitchois » vont occuper les fermes de nombreux villages du Saulnois et de la  région messine où les familles indésirables ont été expulsées en novembre 1940 dans les sud-ouest de la France.


Les familles « bitchoises » contraintes d’habiter à Louvigny


De Volmunster: Laurent Bath, Nicolas Bour, Nicolas Conrad, Jean Decker, Emile Heckel, Alphonse Henius, Joseph Kirsch, Joseph Schuliar et Jean-Pierre Rebmann

D’Eschviller:  Daniel Beck, Jean Beck, Jean-Baptiste Cagna

t, et Aloyse Stauder

De Weiskirch: Pierre Fischer qui a recueilli  les enfants orphelins de la famille Schoenhens

De Breidenbach: Albert Bros et Alphonse Zahm.

De Schweyen: Charles Hoellinger, Lucien Stauder et Aloyse Stauder


 L’occupation allemande 


 Les propriétaires de la ferme gérée par  les parents d’Emile Beck ont  été expulsés  dans le sud-ouest de la France. 

Des Allemands ainsi que des « Bitchois »  ont géré les fermes des expulsés  en tant que  « Siedler", c’est à dire des gérants. Durant cette même période de nombreux  jeunes  sont mobilisés comme malgré-nous dans l’armée allemande.


La libération


«  Le mercredi matin du 30 août 1944, l’appariteur communal, visiblement plus agité fait une empressée tournée d’information au village « Avis exceptionnel à tous les administrés. Ce soir à 20 h, un membre adulte de chaque famille, de préférence le père, est impérativement prié de se rendre en notre salle de réunion pour une rencontre exceptionnelle avec notre Ortsgruppenleiter »

L’émissaire mandaté par le Gauleiter Burkel s’adresse à l’assemblée:

« Les événements étant ce qu’ils sont et vu le rapprochement menaçant des hostilités par les avancées de l’envahisseur, nous avons pris la décision  de quitter provisoirement nos exploitations pour nous retirer dans le Reich. Je dis provisoirement, car je tiens à cette certitude de nos dirigeants politiques hautement informés. Ils nous assurent d’une redoutable et rassurante possession d’armes secrètes, que nous ne tarderons plus d’utiliser et qui repousseront définitivement nos envahisseurs. Pour l’heure, ma contrainte  et pénible  exigence va vous surprendre. Je demande et j’ordonne que nous quittions tous en colonne groupée notre localité de Loweningen après-demain vendredi 1er septembre, au petit jour.

Vous n’ignorez pas que l’ennemi a ses informateurs partout et plus tard, il apprendra notre départ mieux cela vaudra pour nous. Ainsi, si l’envie de nous bombarder lui venait nous serions bien loin. Pour la route, prenons nos chariots-plateaux de grande capacité de charge en y attelant nos meilleurs chevaux de trait.

Et maintenant, je m’adresse à nos compatriotes  lorrains pour les inviter cordialement  à nous suivre. Nous leur devons accueil et protection chez nous, n’est-ce pas Herr Johann Decker, notre Vice-Oberbauerührer lorrain,

Qu’en pensez-vous?


Réponse de ce dernier, nullement empreint, déconcerté par son interpellation:


« Herr Bürkelgesandter, en cette circonstance exceptionnelle, je  me crois  autorisé  et réaliste interprète de la volonté de mes compatriotes lorrains comme la mienne propre, à votre invitation, nous vous disons clairement « non »!

Et pour plusieurs raisons que je me permets maintenant d’exposer devant vous: 

D’abord, vous nous prévenez bien tardivement, nous les Lorrains, alors que vous  les Allemands venus du Reich, vous le saviez déjà depuis  plusieurs jours que nous aurons à quitter nos exploitations. 

Vous les Allemands venus de Kaiserslautern, vous savez où aller, vos maisons vous attendent. Alors que nous Lorrains du Bitcherland nous n’avons plus de domicile fixe depuis longtemps. La Lorraine est notre terre natale alors, autant que nous y restions, nous y serons toujours  aussi bien qu’ailleurs. D’autre part, vous dites  que vous êtes sûrs de revenir bientôt. Alors en attendant, pourquoi ne prendrions-nous pas en charge les  récoltes de l’automne qui ne sont pas faites: l’arrachage des pommes de terre et la rentrée des betteraves fourragères? Nous pouvons faire les vôtres en même temps que les nôtres. Et à votre retour, il vous sera précieux de les trouver à votre disposition pour l’indispensable alimentation des gens er des bêtes. »


A ces arguments  d’une imparable pertinence, notre Bürkelgesantder quelque peu déstabilisé ne voulut faire aucune opposition, et donna son acquiescement.

Le vendredi 1er septembre 1944 au petit matin, les Lorrains ont écouté derrière les volets le départ des Allemands.


Le tribut humain à la libération:


Le 24 septembre 1944 les Américains bombardent  Louvigny, cinq Polonais et une Polonaise enceinte, sont tuées lors d’un bombardement. Ils ont été  enterrés dans un jardin où un grand trou avait été creusé pour y installer une pièce d’artillerie. »



Emile Beck est le plus grand dans la dernière rangée.


Texte et photos  d’Emile Beck, aumônier militaire à la retraite, né à Eschviller en 1932.

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