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L’itinéraire inimaginable d’un instituteur du Bitcherland

 Né le 26 février 1939 à Bitche, 

Joseph Antoine Sprunck, Directeur d'école honoraire, fils d'Antoine, cultivateur et Agathe Meyer, à Ormersviller (Moselle). 




Cinquième enfant d'une fratrie de trois soeurs et d'un frère. Il épouse le 15 juillet 1966, Monique Schaff, secrétaire comptable. De cette union sont nés: Sandrine, directrice d'école maternelle, Stéphanie, animatrice et bibliothécaire et Matthieu, ingénieur logiciel. Il est entouré de cinq petits-enfants: Lisa, Hugo, Agatha, Léon et Jeanne.


Son parcours durant la guerre 1939/1945


Âgé de six mois, sa famille  est évacuée le 1 er septembre 1939 à Brie-en-Charente avec sa mère, Yvonne et René alors que Marie-Thérèse et Valérie sont en vacances chez la tante Valérie à Reichshoffen (Alsace) et son père mobilisé depuis fin août 1939 à Dieuze, mais il est libéré  pour Noël 1939. La famille revient à Ormersviller en septembre 1940, puis elle est expulsée par les militaires allemands en novembre 1940 dans le Saulnois (Sud de la Moselle) à Blanche-Eglise puis de 1940 à 1944 à Manhoué qu'elle quittera le 30 septembre 1944 avec tous les habitants du village entre les deux lignes des fronts allemands et américains à la tombée de la nuit. Les balles traçantes passaient au-dessus des têtes des réfugiés. En GMC, les Gl's les ont ensuite transportés en GMC à Nancy. D'abord abrités par le secours national dans les salles de classe de l'Université, ils sont ensuite installés dans un appartement avec des meubles, les réfugiés mosellans ont eu le courage d’inscrire  à l’école française leurs enfants  qui ont  fréquenté l’école allemande  durant quatre ans. 

Ses  parents paysans, qui  ont dû déménager cinq  fois avec les valises de 1939 à 1946, ont toujours eu le souci de la formation de leurs enfants et ont toujours réussi à les inscrire dans une école. Pour lui, ils ont été extraordinaires.  Sa soeur Yvonne 18 ans qui est bilingue a inscrit  à Nancy sa soeur Marie-Thérèse, 15 ans, dans une école commerciale  où elle a appris la sténodactylographie et la comptabilité et sa soeur Valérie au cours de Fin  d'études. Joseph  y fréquente l'école maternelle Charles III où il a appris rapidement à parler français, et même à lire et à calculer. Par contre,  son père n’a pas trouvé  de travail à Nancy,  c’est pourquoi il a décidé de déménager le 15 mars 1945 à Dieuze.,

Marie-Thérèse a le droit de rester à Nancy comme interne pour terminer l’année scolaire.   Son père est rapidement embauché dans la scierie Hector comme sagard  et sa fille  Marie-Thérèse à son retour en juillet comme secrétaire-comptable.  Joseph fréquente d'abord d'école maternelle puis le cours préparatoire. En mars 1946, Valérie entre au couvent de Peltre où elle fera  des études secondaires. Elle sera enseignante dans les écoles élémentaires et dirigeante de chorales.


Le retour au Bitcherland


La famille revient à Ormersviller le 1er avril 1946, et habitera dans une baraque jusqu'en 1954. D'avril à juillet, l'école n'est ouverte que quelques jours vu que la classe  devait se faire avec très peu d'élèves sans mobilier adéquat. Elle a seulement débuté dans l'école de filles  le 1er octobre 1946. 


Remonter une exploitation agricole


Mon père recommence à zéro et crée au fil de semaines son exploitation dans de très mauvaises  conditions. L'étable, l'écurie, l'étable et la porcherie sont partagés avec  Antoine Gross. Chacun doit s'adapter. Pour tous les expulsés, recommencer à zéro a surtout été difficile de 1946 à 1952. Après six ans de cohabitation, la ferme  a été reconstruite, pour la maison d'habitation, il a fallu attendre 1954.


Les conseils inattendus de mon instituteur

 

Au cours moyen 2,  mon nouvel instituteur  Lucien Remeth a rendu visite au mois de mai à mes  parents et leur  a conseillé de m’envoyer au Lycée Fabert à Metz, pour y suivre des études secondaires. Hélas en 1950, il y a de très mauvaises communications pour se rendre à Metz. Alors  mes parents ont  décidé  de m’inscrire au collège Saint-Augustin de Bitche qui est à 14 km, où  j’ai réussi le BEPC et le baccalauréat. Au collège de Bitche, j’ai été impressionné par un internat austère et sévère, mais efficace, car il fallait travailler. En juillet, on appliquait le principe: passer en classe supérieure, redoubler ou changer d'établissement.

Joseph fera toutes  ses études secondaires au collège Saint-Augustin de Bitche. Durant ses vacances scolaires, il aidera beaucoup ses parents dans les travaux des champs. Il le fera jusqu'en 1976, date du décès du père. 

  Après la réussite du baccalauréat en 1958, il réussit le concours à l'école normale de Montigny-lès-Metz. Le 1er octobre 1959, il est nommé chargé d'école avec une classe unique (CP, CE, CM et CFE) de 15 élèves à Weiskirch. Au début, il rejoint l'école à bicyclette. Ayant réussi le permis fin octobre 1959, il acquiert  une Dauphine d'occasion. A midi, il déjeune au restaurant Jordy du village.


Appelé au service militaire en Algérie


Joseph Sprunck, ayant vécu  la guerre de  1939/1945,   devra à nouveau vivre celle d'Algérie. Le 1er septembre 1961, il est appelé sous les drapeaux à Verdun au 164 ème R.I., Après une permission de détente de 15 jours le 11 janvier 1962, il embarque à Marseille sur le paquebot l'Eldjedzaïr pour rejoindre Bône (Algérie).  Les militaires étaient tous  parqués dans la cale et assis sur des chaises longues. L'accès du pont était interdit, car durant toute la traversée il y avait une tempête,  Les chaises longues glissaient en avant et en arrière, à gauche et à droite.  La plupart étaient malades et vomissaient. Joseph et ses trois camarades ont  bu à plusieurs reprises du Schnaps et ils ne sont pas tombés malades. Au port de Bône, ceux qui étaient affectés au 15/1 ont pris le  train jusqu'à Guelma. A la gare un GMC est venu les chercher.


Séjour à Kellermann


Joseph Sprunck est affecté à la 4 ème compagnie du 151 ème RIM stationnée dans le village de Kellermann, une annexe de Guelma,  où il devient secrétaire du capitaine Jean Mouchot.  Comme le major a été rapatrié, Joseph le remplace. Il est alors responsable de la section de commandement de la compagnie. 


La vie en Algérie


Une des premières consignes: prendre chaque jour un cachet de nivaquine  pour être protégé contre le paludisme.  Hélas  la nivaquine produit des affections gastro-intestinales : nausées, vomissements, diarrhées.  Sa section  loge dans une ancienne étable où les punaises de lit vous rendent visite durant la nuit. Durant son séjour à Kellermann, il projette des films de 16 mm aux appelés et à la population. Il sera en Algérie pour vivre le cessez le feu le jour de sa fête le 19 mars 1962 à 12 h. 


Les nombreux déménagements


En avril sa compagnie quitte Kellermann, déménage d'abord dans la Ferme Medgez Amar où un aumônier vient célébrer le jour de Pâques, puis à Penthièvre où tous les militaires sont consignés  le 1er juillet 1962 lors  du référendum sur l'indépendance. Nous déménageons ensuite à Mondovi, ville natale d'Albert Camus, où la compagnie  doit surveiller la frontière tunisienne protégée par un barrage électrique. 


Permission de 23 jours


Fin juillet, Joseph part en permission pour 23 jours. Durant son absence  sa compagnie est dissoute. A son retour, il est nommé secrétaire général du PC Colonel du  151 ème RIM,  à la ferme Chemol où stationnaient les hélicoptères bananes. 

Il travaille particulièrement avec le commandant Hedan et le colonel Guy, mais doit également partager le travail et prendre les communications téléphoniques, etc.  


Une hygiène précaire

Alors que les officiers sont logés dans la maison d'habitation, les autres ont abrités sous une tente, sur des lits de camp. Avec tous ses déménagements, l'hygiène est très précaire, c'est pourquoi beaucoup tombent malades. Chaque semaine plusieurs attrapent la jaunisse et sont rapatriés. 


Retour en France


Tout le régiment a quitté l'Algérie le 13 décembre 1962 au port de Bône. Il a fallu deux cargos pour le matériel et nos valises et un paquebot pour le personnel. Chacun était muni de son arme et de son sac marin. En montant sur le paquebot un de ses camarades s'est évanoui. Il le prend sur le  dos et le transporte dans une cabine d'un matelot qui la  loue pour 10 F. Il le pose sur  le lit large de 70 cm. Les deux, allongés tête bêche  y passent la nuit. Le lendemain tout le régiment débarque le 14 décembre à Marseille, puis rejoint la caserne Serret à Moulins-lès-Metz en train. Sa section est logée dans un bâtiment et les bureaux sont celui  du PC. Il fait -15°dehors, la cour  est recouverte d'une couche de neige gelée et dans nos chambres il y a à peine 18 ° et parfois moins.  Il sera libéré le 27 février 1963 après 16 mois de service.


 Carrière d'enseignant à Volmunster


Le 1er mars 1963, il est nommé à l'école de garçons de Volmunster. Il y retrouve une classe unique de 33 élèves.

En 1965, grâce à son intervention auprès de l'évêque Paul Joseph Schmitt, l'école de filles, dirigée par Soeur Concilia Schmitt et l'école de garçons sont géminées et deviennent mixtes. Il a introduit en 1972, l'enseignement de l'allemand au cours moyen. Aussitôt, sa classe fera un partenariat avec l'école de la Sechsmorgenschuhle de Zweibrücken. Avec l'accord de l'inspection académique, la commune et le conseil général.

est l'initiateur en 1975 du premier regroupement pédagogique dispersé de la circonscription avec ramassage gratuit des élèves. Au fil des ans, les différentes écoles élémentaires de la commune seront fusionnées pour devenir l'école Adolphe Yvon. A l'ouverture de la piscine de Bitche, il y inscrit de suite les classes de l'école à l'apprentissage de la natation. Il organise de nombreuses classes vertes à Languimberg et des voyages de découvertes de trois jours pour les élèves, à Paris, en Savoie et en Picardie. Entre Noël et Nouvel an, il emmène des élèves du primaire et du collège à visiter Paris pendant plusieurs jours. Il incite ses élèves à pratiquer la correspondance scolaire avec de nombreuses écoles de Moselle, puis avec Sigogne où les habitants de Volmunster avaient été évacués en 1939. Suite à une enquête sur l'évacuation en Charente, les élèves s'intéressent à cette histoire vécue par leurs grands-parents et demandent à rencontrer leurs correspondants de Sigogne. Il fera le premier voyage à Sigogne en 1982 avec ses élèves et ceux de Sr Marie-Claire et ce sera à l'origine du jumelage avec Sigogne.

Il développe le sport scolaire et devient responsable de circonscription de l'USEP en 1965 et délégué des  pupilles de l'école publique. Il lancera avec Victor Lutz les lendits qui permettent d'organiser des manifestations de masse  en musique au stade de Bitche. Il succède à Gustave Nominé à la tête du cercle pédagogique de Volmunster où il présentera des leçons modèles. Durant sa présidence, il lancera les festivals scolaires et les concours de dictée. En 1992, il crée la semaine nature au Moulin d'Eschviller qui sera à l'origine des ateliers pédagogiques du Moulin d'Eschviller. Ses ateliers pédagogiques auront un succès inespéré. Il prend sa retraite d'enseignant le 31 août 1995 à l'école Adolphe Yvon de Volmunster.

J’ai vécu la suppression  de l’étude  16 h à 17 h, du certificat d’études, de l’examen d’entrée en sixième, la suppression du samedi après-midi en 1969.

Pour toutes ces activités, il sera décoré de la médaille d'argent de l'Education nationale, de la médaille d'argent de la jeunesse et des sports et a été  promu officier des palmes  académiques.  C’est l’inspectrice d’Académie de la Moselle qui lui a remis cette médaille en présence de nombreux amis et élus.

Vie associative

En février 1967, il participe à la création du Foyer de jeunes de Volmunster, où il anime au début les activités théâtrales, participera à l'organisation de plusieurs camps d e vacances de jeunes. Il crée en 1989 la section des randonnées et en 2000 la section des jeux de sociétés. Il est membre fondateur de l'amicale des enseignants de la circonscription de Sarreguemines,  de l’Association  des Amis du Moulin d'Eschviller, guide au moulin, de la scierie, du sentier nature et patrimoine,  du sentier des moulins et  guide à la marche gourmande. Il est l'initiateur des marchés paysans du Moulin d'Eschviller et de la fête des saveurs.

Cette dernière fête générera celle de la pomme. Il est membre du comité  à l'office de tourisme de Bitche de 2001 à 2014. En 2007, il intervient auprès de Francis Vogt, président de la communauté des communes et d'autres élus pour créer l'office de tourisme sous forme d'EPIC. Il  été membre de  l'association des anciens combattants,  des anciens  15/1, de la Société d'histoire et d'archéologie de Lorraine, section de Bitche,  de l'Amicale des enseignants et des anciens de l'école normale, l'amicale des secrétaires de mairie, des Amis de la forêt et de Confluence.

Correspondant de presse

 En 1967, il devient correspondant de presse du R.L et en 1993 de l'Ami hebdo Lorraine. Il a également  écrit des articles historiques dans l'almanach Saint-Joseph et le bulletin de la SHAL, l'Ancien, de l'école normale et la revue du 15/1. Il a animé pendant 15 ans des reportages en français et en francique à TV Cristal. Il alimente le blog de la commune de  2010 à 2013. Il aura ensuite un blog Volmunster Info et un historique depuis novembre 2013 où il relate l'histoire locale du Bitcherland.


Secrétaire territorial


Le 1er juillet 1972, il est nommé secrétaire du SIVOM de Volmunster, qui se transformera en District où il prend sa retraite en 1995. Il y suivra particulièrement la construction du Moulin d'Eschviller, le dossier administratif du permis de construire de la scierie et des travaux de nettoyage des vallées et de l'enlèvement des embâcles dans les lits inférieurs des rivières.

Il a été secrétaire de la mairie de Volmunster du 1er juillet 1973 au 30 août 2001. Il s'occupait particulièrement de la vie communale, des projets, des réalisations, du budget...

En même temps, j'assurais la fonction d'écrivain public, d'intermédiaire pour régler les problèmes des pensions de personnes qui ont également travaillé durant l'occupation, remplir les  déclarations d'impôts, etc...

  En 2024,  il a arrêté définitivement l'activité dans les associations. Ne trouvant pas de remplaçant, il est resté correspondant de presse. Il continue à réaliser des reportages et à rédiger surs ses deux blogs: 

Volmunster Info: volmunster.blogspot.com

Site historique: https://joseph.sprunck.com


 





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